Personne n'oserait aujourd'hui proposer l'esclavagisme comme une excellente idée, qui plus est facilement applicable. Ce serait même criminel.

S'il se trouve encore des millions de gens exploités un peu partout sur cette planète, le concept de l'esclavage appartient au gigantesque catalogue des erreurs humaines.

On l'a appris à l'école, il fût un temps où «posséder un esclave» était tout à fait ordinaire et encouragé. Et on a la nausée à seulement penser à tous ces africains arrachés à leurs terres, puis vendus comme du bétail.

Étrangement, le film Amazing Grace du vétéran Michael Apted, pourtant bourré de bonnes intention, n'enlève pas cet arrière-goût de poussière qui prend à la gorge dès qu'on évoque l'esclavage.

Drame historique, Amazing Grace parle d'une victoire noble, celle d'un politicien britannique du XVIIIe siècle et ses comparses contre l'esclavagisme. Riche, ambitieux et croyant, mais intérieurement brisé par un dur voyage en Afrique, où il a assisté impuissant au traitement réservé à ces «marchandises humaines», William Wilberforce a fait valoir son dégoût de l'exploitation et son désir d'abolition.

En soi, Amazing Grace, platement réalisé, est un édifiant document pédagogique. Mais qui dit pédagogie dit ennui. Ce film distille aussi un étrange malaise : il célèbre des actions parfaitement louables, mais à force de s'épancher sur la douleur morale de ces braves aristocrates anglais, qui discourent et parlementent à propos de l'esclavagisme par sentiment de culpabilité, on en oublie la véritable souffrance de ces gens déportés et traités comme des bêtes.

Le héros, interprété par Ioan Gruffudd, est présenté comme un personnage tourmenté mais déterminé. Mais où est l'esclave? Où sont les victimes? Le cinéaste Michael Apted évoque avec pudeur l'horreur de l'esclavagisme en deux ou trois plans très léchés, mettant en scène des africains huileux et aphones forcés au travail. La dernière heure de ce très long métrage s'étire en discours humanistes et en belles paroles jusqu'au final, où Wilberforce est applaudi par l'assemblée, avec musique de circonstance.

Il manque de l'émotion, de la passion, du coeur, voire de l'insurrection à ce document didactique, correctement ciré, consacré à un homme respectable et à des gens haut placés qui, à leur façon, ont changé l'histoire.

Certains diront qu'il n'est pas nécessaire de montrer l'horreur pour traiter, au cinéma, de catastrophes humaines. Soit. Mais dans le cas de ce tiède docudrame historique, montrer l'horreur était essentiel. On sort du film à peine ému, pas du tout remué et même un peu lassé. C'est le comble pour une oeuvre qui parle d'une tragédie.

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Amazing Grace, drame historique de Michael Apted. Avec Ioan Gruffudd, Benedict Cumberbatch, Romola Garai.

Les combats d'un jeune politicien britannique du XVIIIe siècle qui, troublé par un périple, veut en finir avec l'esclavagisme.

Édifiant mais plate à mort