N'a plus 20 ans celui qui peut évoquer avec nostalgie les «glorieuses» années du ciné-parc, à savoir l'époque où étaient présentés, à coups de deux, trois, voire quatre projections sur les écrans de cet ancêtre des multiplexes, des films parfaitement obscurs et au goût souvent fort discutable.

Complices de longue date, Tarantino et Rodriguez ont voulu rendre hommage à ce cinéma de seconde zone des années 60 et 70 qu'on qualifie aujourd'hui de «psychotronique» et qui rassemble le «film de zombis», le «film de motards» le «film de femmes en prison», le gore, la sexploitation, la blaxploitation et autres genres et sous-genres aussi spécifiques.

Grand maître dans l'art d'apprêter les restes, Tarantino s'est gavé pendant toute sa jeunesse de ces vieilles nourritures cinématographiques, tout comme son collègue Rodriguez. Ensemble ils ont produit Grindhouse, cet étrange «deux pour un» entrecoupé de fausses bandes-annonces, pour recréer l'ambiance des «drive-in», cela évidemment sous le signe du pastiche.

Rodriguez signe le premier long métrage, Planet Terror, une histoire de zombis mutants inspirée principalement des films de George Romero et de John Carpenter (pour la musique), mais aussi d'une tonne de séries B et Z qu'il serait laborieux d'énumérer ici. Il s'agit avant tout d'une expérience esthétique. Rodriguez a fabriqué du «faux vieux», avec pellicule granuleuse et égratignée, coupures inattendues jusqu'à une scène érotique carrément interrompue au moment le plus ardent (la bobine prend feu!).

Planet Terror est un véritable manège de gore et de violence gratuite qui rappelle par moments le célèbre Braindead de Peter Jackson, avec le look rétro en prime. S'ensuit, en guise d'entracte, une série de bandes-annonces loufoques, réalisées par des nouvelles figures «cultes» du cinéma d'horreur, Rob Zombie, Eli Roth et Edgar Wright.

Avec Dead Proof, le «deuxième programme», Tarantino fait du Tarantino. Pour le rôle du tueur fou, ancien cascadeur qui prend plaisir à provoquer de fatales collisions de voitures, le cinéaste récupère un acteur sous-employé, Kurt Russell, lequel ici s'en donne à coeur joie. Avant l'interminable mais fabuleuse course-poursuite finale, Tarantino s'égare évidemment en dialogues absurdes et en conversations sans fin à propos de tout et de rien. La finale abrupte, si évidente qu'elle en devient imprévisible, laisse de Grindhouse, dans son ensemble, l'impression d'une farce monumentale. Ou plutôt d'un jeu, d'une sorte de gageure entre amis, Tarantino, Rodriguez et leurs sbires, complètement et sincèrement amoureux du cinéma de genre.

Accumulant mise en abyme sur mise en abyme, Grindhouse est une fascinante expérience de cinéma que ne déploreraient pas les disciples du pop art, un spectacle poussif et jouissif, une entreprise artistique de récupération, une belle pièce fabriquée de matériaux recyclés, un vrai cadeau pour tous les amateurs de «mauvais films» dégénérés, ultra violents, sexy, racoleurs, excessifs, absurdes et sans aucune valeur morale. On n'en demandait pas tant.

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Grindhouse (V.F. : GRINDHOUSE EN PROGRAMME DOUBLE). Comédie horrifique de Quentin Tarantino et Robert Rodriguez. Avec Kurt Russell, Rose McGowan, Freddy Rodriguez.

Deux films de série Z réalisés par des cinéastes de catégorie A.

Quelqu'un devait faire ce film, un jour