Dans The Queen(V.F.Sa majesté la reine) , un film remarquable, le cinéaste Stephen Frears évoque le fossé qui sépare la société britannique de ses souverains en nous entraînant dans les coulisses du pouvoir en temps de crise.

La mort de la princesse Diana, qui ne faisait alors plus partie de la famille royale (c'est ce que tient à rappeler Élisabeth II dans une discussion), a en effet presque remis en question tout le système monarchique. Ce drame a surtout mis en relief la désaffection des sujets pour une institution de plus en plus déconnectée de la réalité.

La grande force du film de Frears réside dans cette volonté de ne jamais verser dans la caricature. Elle tient aussi dans ce grand souci d'authenticité dont le cinéaste fait preuve. À cet égard, on soulignera la qualité du scénario de Peter Morgan (The Last King of Scotland), fort bien documenté, et nourri de "sources anonymes" dont on soupçonne des origines de proximité...

Le récit débute au moment où le jeune leader du Parti travailliste, Tony Blair (excellent Michael Sheen), met un terme à 18 ans de pouvoir conservateur (Margaret Tatcher et John Major) en se faisant élire premier ministre le 1er mai 1997. Mariée à une antimonarchiste convaincue, Blair porte avec lui tous les espoirs des sympathisants de gauche, alors euphoriques.

La tradition britannique voulant que le premier ministre soit "invité" par la souveraine à former le prochain gouvernement donne lieu à la première scène fascinante de ce film, lequel en compte plusieurs. La première rencontre entre la recrue et Sa Majesté, qui s'empresse de lui rappeler en être à son 10e premier ministre ("le premier fut Winston Churchill, qui était assis dans le même fauteuil que vous!"), donne tout de suite le ton qui caractérisera les rapports qu'entretiendront Élisabeth II et son nouveau premier ministre.

Quand, quatre mois plus tard, la princesse Diana perd la vie dans un accident de voiture à Paris ; la famille royale s'enferme dans un mutisme que les sujets de Sa Majesté prendront pour de l'insensibilité. Frears s'attarde ainsi à décrire les événements de l'intérieur, notamment la façon dont cette "affaire privée" fut gérée par les souverains, tant sur le plan personnel que public.

Si la réussite du film tient à la qualité du scénario et des dialogues , celle-ci est aussi due à la qualité exceptionnelle des interprètes. Dans le rôle d'Élisabeth II, Helen Mirren offre ici une prestation admirable. Sa composition, très fine, révèle la riche intériorité d'une femme qui, depuis plus de 50 ans, sans avoir eu le moindre choix, a mis sa vie au service d'une institution. L'excellent film de Frears satisfait le voyeur en nous (les têtes couronnées dans leur vie quotidienne), et constitue aussi une fable politique implacable.

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THE QUEEN (V.F.: SA MAJESTÉ LA REINE)

Docudrame réalisé par Stephen Frears. Avec Helen Mirren, James Cromwell, Michael Sheen.

À l'annonce de la mort de la princesse Diana, le silence de la famille royale plonge la Grande-Bretagne dans le désarroi

Un portrait fascinant, dominé par une prestation exceptionnelle d'Helen Mirren.