Imposer la liberté par la force des armes, contraindre un peuple à la démocratie, cela relève évidemment de la plus extraordinaire contradiction, voire de l'absurde. La confusion et le chaos règnent en Irak, pays «libéré» et pourtant occupé et chaque jour menacé de nouveaux «dommages collatéraux». Cet excellent documentaire signé Laura Poitras nous plonge au coeur même de ce pays démantelé de part et d'autre, où le vacarme soudain, l'omniprésence militaire, le vrombissement des hélicoptères, font partie de la vie ordinaire.

My Country, My Country ne fait pas la leçon et ne dénonce pas avec vigueur l'occupation militaire américaine en Irak, mais l'on devine facilement les positions politiques de l'auteure, laquelle s'efface pour donner toute la place aux intervenants, Irakiens et Américains. Sans jamais faire dans le pathos, sans mettre trop d'emphase sur la tragédie humaine, ce film présente les violents affres de l'occupation (explosions sporadiques, mitraillades, terrorisme) comme une sorte de phénomène météorologique avec lequel les habitants essaient de s'arranger.

On y suit principalement le parcours difficile d'un brave médecin, le docteur Riyadh, homme de famille traditionaliste mais ouvert d'esprit qui, à force de devoir s'occuper des victimes de cette occupation militaire, songe à faire de la politique en vue des prochaines élections irakiennes.

En parallèle, les caméras se promènent ici et là dans les rues de Bagdad et dans les salles de conférences remplies de reporters, de coopérants internationaux et de valeureux militaires américains visiblement dépassés par les événements. Dans un moment fort du film, un haut gradé de l'armée tâche péniblement d'expliquer à un petit auditoire irakien les mérites de la démocratie et les vertus des élections. Il dira, à peu près : «Vous allez passer à la télévision partout dans le monde! Ce sera comme un show!» sous les yeux éberlués des citoyens.

Laura Poitras aura passé huit mois en Irak afin de brosser un portrait des plus réalistes. Il ne s'agit en rien d'un pamphlet à la Michael Moore même si, par le ton, et par une émouvante musique laquelle souligne, comme une complainte, la tristesse, le découragement et la perte de la dignité, on comprend que cette «mission de démocratisation» n'a pas sorti le pays de la terreur quotidienne, devenue presque banale.


*** 1/2
MY COUNTRY, MY COUNTRY

Documentaire de Laura Poitras.