Al Gore n'est pas David Suzuki. Quand bien même a-t-il toujours affiché sa couleur - vert démocrate - la majeure partie de sa vie professionnelle s'est déroulée dans les coulisses du pouvoir, tandis que d'autres l'ont passée dans des laboratoires.

Sans vouloir être cynique, il s'agit d'une chose à ne pas oublier quand on regarde le documentaire An Inconvenient Truth (Une vérité qui dérange) de Davis Guggenheim (réalisateur de la série Deadwood), très bien reçu à Sundance et à Cannes, que certains excités voient déjà comme le plus grand documentaire des temps modernes. 

D'un côté, on se demande si Al Gore, qui se présente ironiquement comme celui qui aurait pu être le président - après le film, il ne fait aucun doute qu'on nous donne envie de croire qu'il aurait dû l'être - ne fait pas l'énorme pari de s'approprier le discours écologique. Un discours qui, s'il n'est pas encore tout à fait populaire, le deviendra certainement. Un ou deux Katrina de plus et nous y serons.

De l'autre côté, il est aussi vrai que le discours d'Al Gore n'a rien pour rallier la droite capitaliste et même religieuse, c'est-à-dire ceux qui refusent que les États-Unis signent le Protocole de Kyoto ou ne croient pas à la théorie de l'évolution de Darwin...

Il ne s'agit pas ici de critiquer les enjeux du réchauffement de la planète, mais un film. Celui-ci, somme toute très statique mais pas ennuyant, propose de longs extraits de la conférence qu'Al Gore transporte partout dans le monde depuis quelques années, entrecoupée de moments plus intimes qui tentent d'expliquer l'homme derrière l'image politicienne.

En vérité, ce documentaire nous en apprend autant sur Al Gore que sur son sujet «chaud» et chaque fois que l'angoisse nous étreint devant les faits habilement étalés par ce communicateur de talent - les prévisions à très court terme ne sont rien de moins que catastrophiques - on nous rassure à temps avec de nobles images d'archives montrant un Al Gore aussi charismatique que John F. Kennedy.

Le tragique accident de son fils. Son enfance dans les champs de tabac et la mort de sa soeur du cancer du poumon, qui a conscientisé l'entreprise familiale, impliquée dans le commerce du tabac. L'ancien vice-président comme un simple citoyen du monde dans des aéroports, offrant une image différente de l'Amérique dans des colloques internationaux.

Tant mieux si Al Gore parvient à sensibiliser le public aux dangers évidents du réchauffement de la planète et tant mieux si un homme politique a assez de couilles pour brandir cette cause dans les hautes sphères du pouvoir en rappelant qu'il y a peut-être des menaces plus grandes et plus urgentes que le terrorisme pour lequel on gaspille des milliards.

Tant mieux aussi si ce documentaire rejoint un plus vaste public encore. Car pour Al Gore, le problème climatique est carrément d'ordre moral et concerne l'humanité. Il s'impose dans ce film comme le transmetteur habile des scientifiques qui sonnent l'alarme, un excellent pédagogue ayant bien retenu les leçons de ce prof qui lui a donné envie de protéger l'environnement, en alliant l'humour à la clarté, l'optimisme (il croit sincèrement qu'on peut renverser la vapeur) à la gravité.

On sort de cette conférence convaincu de sa pertinence et concerné, mais on se pose aussi cette question: Al Gore se présentera-t-il aux présidentielles de 2008?

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AN INCONVENIENT TRUTH. Documentaire de Davis Guggenheim, avec Al Gore. 100 minutes.

Portrait du politicien Al Gore au travers de sa conférence sur les dangers du réchauffement climatique. 

Pro-environnement ou pro-Gore?