Des destins de femmes, vécus dans des sociétés qui ne pourraient être plus différentes l'une de l'autre, étaient à l'honneur dans les deux longs métrages présentés en compétition hier. Le plus intéressant des deux, L'invention de la saucisse au curry est un film allemand qui met en exergue le parcours d'une femme amoureuse au moment où Hitler est sur le point de capituler.

Mettant en vedette Barbara Sukowa, l'une des égéries de Fassbinder, ce drame relate la rencontre inattendue de Lena, une femme mûre, avec Hermann, un jeune soldat en permission (Alexander Khuon). Les sirènes les envoyant à l'abri, ils sympathisent. Elle l'invite à la maison une fois le danger écarté; ils boivent, ils discutent. Elle l'invite à passer la nuit. Puis, la passion amoureuse aidant, Lena suggère à Hermann de rester avec elle pour de bon.

Le jeune soldat devient ainsi déserteur et se retrouve coincé dans l'appartement de cette inconnue dont il est tombé amoureux. La réalisatrice Ulla Wagner, dont les deux précédents films, sauf erreur, sont inédits au Québec, parvient à retranscrire magnifiquement les bouleversements intérieurs qui s'opèrent tant chez elle que chez lui. Dans ce contexte pour le moins particulier, cette liaison sentimentale emprunte ainsi les allures d'un sanctuaire que le chaos extérieur ne pourrait atteindre.

La situation se complique le jour où la déconfiture allemande ne fait plus de doute. Lena sachant très bien que plus rien ne peut dès lors retenir son beau soldat, n'est-il pas tentant pour elle de ne faire entendre les échos du monde extérieur que partiellement?

Wagner, qui porte ici à l'écran un roman d'Uwe Timm, aborde avec beaucoup de délicatesse plusieurs thèmes au passage, dont celui - rarement traité de façon aussi sensible au cinéma - d'une liaison entre une femme mûre et un homme plus jeune.

Aussi le film bénéficie-t-il de la composition de Barbara Sukowa, remarquable dans le rôle de Lena. Bien appuyée par Khuon, dont c'est le premier rôle au cinéma (son allure évoque celle de James MacAvoy), Sukowa figurera probablement parmi les candidates les plus sérieuses pour le prix d'interprétation. La présence de cette actrice d'exception à Montréal fut par ailleurs beaucoup trop discrètement annoncée par le FFM. Sukowa repart aujourd'hui, sans que les médias aient pratiquement eu le temps de réagir. Enrageant? On ne vous le fait pas dire.

Film lent et dépouillé

On ne précise pas dans quelle partie de la Chine vivent Les femmes de Nima, mais le réalisateur Zhuo Gehe étant né d'une famille mongole, on devine que cette histoire fut enrichie par les coutumes locales de sa région. Nima's Women vaut d'ailleurs essentiellement pour son caractère anthropologique. Une vieille dame vit isolée dans une campagne désertique et s'apprête à célébrer un anniversaire de naissance marquant. Pour ne pas la décevoir, ses deux filles comptent annoncer enfin de bonnes nouvelles à la matriarche, chef d'une famille où, historiquement, les hommes ont l'habitude de prendre leurs jambes à leur cou. Elles s'organisent ainsi pour présenter à leur mère leur nouveau fiancé respectif.

Très attentif à tous les détails, Zhuo Gehe offre ici un film au rythme lent, très dépouillé, dont l'intérêt réside surtout dans la contemplation de visages sur lesquels on peut lire l'histoire d'une vie.

Surréalisme

Sélectionné en compétition, Bamiyan est un court métrage français, réalisé par une équipe entièrement française dirigée par Patrick Pleutin, et tourné en langue afghane et chinoise. Il fut présenté à Montréal - deuxième ville francophone du monde - avec des sous-titres anglais uniquement. Cela dit, le générique était quand même inscrit dans la langue chère à Pierre de Coubertin tout autant qu'à Serge Losique. N'est-ce pas extraordinaire?

__________________________________________________________
* * * 1/2 Die Entdeckung Der Currywurst (L'invention de la saucisse au curry) d'Ulla Wagner. Aujourd'hui à 14 h au Cinéma Impérial.

* * * Nima's Women (Les femmes de Nima) de Zhuo Gehe. Aujourd'hui à 16 h 30 au Cinéma Impérial.