Che sur un tee-shirt, Che dans les chansons (Hasta siempre), Che au cinéma (Diaros de motocicleta), Che romantique, Che héroïque, Ernesto Guevara continue, quatre décennies après sa mort, de fasciner. Steven Soderbergh a consacré au Che plusieurs années de sa vie pour réaliser son film. Mais d'admiration béate il n'est pas question dans Che.

Che n'est pas un film biographique: du personnage avec lequel on passe plus de quatre heures, on ne sait en fin de compte que peu de choses. Il est argentin, souffre d'asthme. Il a une femme, cinq enfants et a rencontré Fidel Castro au Mexique en 1955. Un an plus tard, Che Guevara arrive à Cuba: la guérilla peut démarrer. La première partie du film, The Argentine, amène le spectateur dans les montagnes de la Sierra Maestra.

Jusqu'à la décisive prise de Santa Clara, cette première partie est particulièrement aride pour le spectateur. Steven Soderbergh ne s'encombre pas de mises en contexte et tient le spectateur à distance du Che et des guérilleros: on a souvent le sentiment d'épier les conversations, les moments de stratégie qui se discutent dans les montagnes.

La révolution est en marche: ici, rien de théorique, que de l'action. Le Che (Benicio del Toro, impressionnant) discute avec ses troupes, avec les paysans; soigne les malades et condamne à mort ceux qui trahissent l'esprit de la révolution. Ces séquences sont entrecoupées de reconstitutions de la visite du Che à l'ONU, en 1964.

La route vers La Havane est faite de succès: le point culminant de cette première partie, c'est la bataille de Santa Clara. Steven Soderbergh, réalisateur et directeur photo, fait de Santa Clara le moment le plus lumineux du film. Les affrontements entre les guérilleros et l'armée de Batista sont exécutés avec brio.

La première partie s'achève sur une victoire. «La guerre est finie, la révolution commence», dira le Che. La deuxième partie, Guerilla, s'ouvre après le départ du Che de Cuba: il a renoncé à ses fonctions de ministre et à sa nationalité cubaine. Il part pour la Bolivie en 1966. Après la montée en puissance du Che, cette deuxième partie le montre affaibli, isolé et bientôt capturé.

Véritable contrepoint à Cuba, la deuxième partie bolivienne devient tragique, héros esseulé et déterminé, le Che paraît plus proche, parce que dramatique: la lumière est froide, terne, évoque la mort qui rôde. Soderbergh fait preuve d'une grande maîtrise jusqu'à la chute du Che.

Le réalisateur de Solaris signe un film remarquable dont plusieurs qualités doivent être soulignées. Ce n'est pas un film biographique traditionnel: on n'est pas dans l'exhaustivité ni dans l'attachement envers le personnage. Benicio del Toro, récompensé à Cannes, habite le Che sans l'imiter ou le singer. Enfin, Soderbergh dose finement la musique (magnifique partition d'Alberto Iglesias) et ne sort jamais les violons.

La sobriété et la distance avec le Che pourront rebuter une partie des spectateurs: en quatre heures toutefois, on peut prendre le temps d'accepter, de s'installer dans le rythme peu conventionnel proposé par Soderbergh.

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Diptyque biographique de Steven Soderbergh. Avec Benicio del Toro, Demián Bichir, Rodrigo Santoro, Catalina Sandino Morino, Franka Potente et Marc-André Grondin.

L'Argentin Ernesto Guevara prépare la révolution à Cuba. Après le succès, quelques années plus tard, il mène la guérilla en Bolivie.

Dans un film habile, Benicio del Toro incarne un Che héroïque et tragique: les visages d'un homme que l'on suit à distance et que l'on n'approche réellement que dans ses derniers moments.