Pour l'homme blanc, le Nord québécois est comme une planète lointaine sur laquelle il peut débarquer quand il le désire, s'emparer impunément de tout ce qu'il y trouve, puis repartir en laissant derrière lui une terre meurtrie et désolée. Jusqu'au jour où, suivant les caprices du marché, se présente de nouveau à lui l'occasion d'y retourner.

Alors que l'on parle d'une possible reprise de la production de fer à Schefferville, Martin Bureau et Luc Renaud sont allés à la rencontre de la communauté innue dont les membres habitent ce territoire de façon continue depuis des milliers d'années. Leur documentaire s'intitule Une tente sur Mars, mais les témoignages qu'on y trouve, manifestement pris sur le vif, font découvrir des gens qui ont gardé les deux pieds sur terre.

L'éventuelle reprise de l'extraction minière fait peur aux Innus, et pour cause. «Ils vont exploiter encore nos richesses et on aura très peu de ce qu'ils vont retirer de ce territoire immense», constate Tite McKenzie, le concierge de la salle du conseil de bande que l'équipe de tournage a choisi pour guide.

Propagande gouvernementale

Autrefois, la propagande gouvernementale entourant l'exploitation des richesses naturelles du Grand Nord niait l'existence même des Innus. Aujourd'hui, la question de l'autodétermination et de l'affirmation du territoire est plus que jamais au coeur du discours des Innus. Pour Tite McKenzie, le problème est simple. «Tu ne peux pas faire un pays parce qu'il y avait des gens qui étaient là quand tu es arrivé.»

Près de 30 ans après la fermeture de Schefferville, le discours des Blancs, lui, n'a pas beaucoup changé. «Même si vous n'êtes pas d'accord, on va extraire du minerai pareil», résume le guide, debout sur une montagne de résidus miniers, rouge et stérile, qui ressemble à s'y méprendre aux paysages qu'on connaît de la planète Mars.

En réalité, le pillage n'a jamais cessé. On le comprend quand on voit ces chasseurs des États-Unis débarquer en tenue de combat avec leurs grosses carabines. Pendant que les hydravions des pourvoyeurs blancs détournent la migration du caribou au profit de cette clientèle fortunée, les Indiens, eux, ont de la difficulté à chasser ce qu'il faut pour assurer leur propre survie.

À la manière d'une respiration, de longs plans fixes cadrés avec soin viennent périodiquement ponctuer le film, sur fond de musique électroacoustique signée Fred Fortin. Ce procédé installe une touche de spiritualité, voire de sacré, qui contraste vivement avec le caractère volontairement rudimentaire du montage.

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Une tente sur Mars

Documentaire de Martin Bureau et Luc Renaud
On aime : le franc-parler de Tite McKenzie
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