La vie de l'un des révolutionnaires les plus mythiques de notre époque, Che Guevara, commandait un film à la hauteur du personnage. Steven Soderbergh l'a compris en signant une ambitieuse fresque de plus de quatre heures, heureusement scindée en deux, histoire d'éviter aux spectateurs une rétinite aiguë...

Avec Che - L'Argentin et Che - Guérilla, l'éclectique réalisateur de Traffic et Ocean's Eleven revisite à hauteur d'homme le destin hors du commun du célèbre chantre de la révolution marxiste dont le visage continue à se décliner sur des millions de t-shirts et de posters de chambres d'étudiants. Auréolé du prix d'interprétation masculine à Cannes, Benicio Del Toro campe un Che plus vrai que nature, avec un réalisme et un aplomb de tous les instants. S'il y avait un acteur fait sur mesure pour ce rôle, c'était lui.

La première partie se déroule avant la prise de La Havane. De multiples sauts dans le temps font évoluer le récit entre le célèbre discours du Che à l'ONU, en 1964, et la prise de Las Villas. Ernesto «Che» Guevara faisait alors équipe avec un jeune avocat fort en gueule du nom de Fidel Castro (excellent Demian Bichir), rencontré à Mexico, en juillet 1955. Les deux hommes unirent leurs convictions idéologiques pour fomenter un coup d'État contre le régime Batista, en 1959. Viva la revolución!

Moment fort

Le passage à New York de Che Guevara, en plein territoire ennemi, s'avère l'un des moments forts de cette première partie. Le charismatique leader alla même jusqu'à remercier le sénateur McCarthy pour l'invasion ratée de la baie des Cochons, qui avait permis d'amener de l'eau au moulin à la cause révolutionnaire...

La seconde partie (Guérilla), moins captivante et parsemée de temps morts, s'attarde à la désastreuse campagne de Bolivie (1966-67) et au soulèvement qui conduira le Che à sa perte.

Après la Révolution cubaine, la gloire et la puissance de Guevara est à son zénith. Plus que jamais, il incarne la voix des peuples opprimés face à l'impérialisme américain. Pourtant, il fait le choix de s'évanouir dans la nature, pour réapparaître, incognito et méconnaissable, dans la jungle bolivienne, poussé par son désir d'amorcer la grande Révolution latino-américaine.

Pour cette seconde partie, Soderbergh a fait le choix (discutable) de laisser le Che en arrière-plan, préférant laisser la place aux multiples (et redondantes) stratégies militaires au coeur de la guérilla. C'est dans ce contexte que le jeune acteur québécois Marc-André Grondin (C.R.A.Z.Y.) fait une courte apparition, dans la peau du ministre français Régis Debray. Il sera imité en cela par Matt Damon, dans un rôle non crédité au générique.

Le moins que l'on puisse dire, c'est que Soderbergh ne manquait pas d'ambition. Après avoir pris la relève de Terrence Malick (parti tourner Le nouveau monde) et surmonté les épineux problèmes de financement avec la productrice Laura Bickford, le réalisateur américain s'est investi totalement dans le tournage, allant jusqu'à en signer l'admirable photo (sous le pseudonyme de Peter Andrews).

Sa vision du Che laisse toutefois perplexe par moments. Comme s'il ne parvenait pas à en cerner la personnalité complexe, il donne parfois l'impression de laisser son héros en plan, avec ses contradictions et son jusqu'auboutisme.

N'empêche, ce Che fait oeuvre utile et nécessaire pour comprendre un pan important de la grande histoire du siècle dernier et s'imprégner du combat de cet homme fait d'un seul bloc. Un homme qui demeure, 42 ans après son exécution par des soldats boliviens à la solde de la CIA, l'ultime symbole de la rébellion et de l'idéalisme.

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* * *1/2
Che - L'Argentin / Che - Guérilla. Genre : drame biographique. Réalisateur : Steven Soderbergh. Acteurs : Benicio Del Toro, Carlos Bardem, Demian Bichir, Santiago Cabrera, Elvira Minguez, Jorge Perugorria, Edgar Ramirez, Victor Rasuk et Marc-André Grondin. Classement : général. Durée : 2 h 06 (1re partie) et 2 h 07 (seconde partie).

On aime : l'ampleur du défi, la performance remarquable de Benicio Del Toro, la photographie

On n'aime pas : les passages à vide de la seconde partie, un regard parfois détaché sur le personnage