Puissant, solide, déstabilisant. La grève de la faim (Hunger) est tout cela et plus encore. Le réalisateur britannique Steve McQueen livre une oeuvre coup de poing qui laisse le spectateur en état de stupeur. Coeurs sensibles s'abstenir.

Gagnant de la Caméra d'or à Cannes l'an dernier, remis au meilleur premier film, McQueen (aucun lien de parenté avec le défunt acteur américain) montre dans toute sa dureté le combat (véridique) des activistes de l'Armée républicaine irlandaise pour faire reconnaître leur statut de prisonniers politiques, à la prison de Maze, en 1981. Leur chef de file est un dénommé Bobby Sands (excellent Michael Fassbender).

Les prisonniers useront de moyens peu usuels. Ils commenceront par une grève de l'hygiène et de l'uniforme. Ils videront leurs bassines d'urine dans les couloirs, maculeront les murs de leurs cellules de sang et d'excréments, laisseront pourrir leur nourriture. Les gardiens devront faire preuve de violence pour les laver, à grands coups de brosse.

Étape ultime

Devant l'intransigeance des autorités britanniques, Sands et ses neuf compagnons passeront à l'étape ultime, celle du sans-retour : la grève de la faim. Dans un plan d'anthologie de 22 minutes, Sands fait part de ses motifs à un prêtre (Liam Cunningham). Une véritable partie d'échecs morale, où le futur martyr et le religieux exposent chacun leurs arguments. Mais pour le futur martyr Sands, déterminé, son corps est le moyen absolu de servir une cause plus grande que sa propre vie.

C'est le souffle coupé que le spectateur sera témoin de son agonie. Pendant 66 jours, il se privera de toute nourriture. (McQueen a suspendu le tournage pendant deux mois afin de permettre à Fassbender d'atteindre une maigreur anorexique, à 59 kilos). Lorsqu'on le voit, nu et décharné, perdu dans des cauchemars annonciateurs de la mort, le choc est total.

Avec une économie de mots - de longs passages en sont dépourvus -, McQueen témoigne également de l'existentialisme des gardiens de la prison. Le début du film consacre d'ailleurs de larges pans à l'un d'entre eux (Stuart Graham), découragé et exténué par tous les actes qu'il  doit poser à l'égard de ces prisonniers récalcitrants. En outre, les longs plans silencieux sont autant de caisses de résonance des moments de bruit et de fureur.

Si ce film n'est pas la perfection, il s'en approche dangereusement.

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La grève de la faim (Hunger)

Drame de Steve McQueen
Avec Michael Fassbender, Liam Cunningham, Stuart Graham, Brian Milligan et Liam McMahon

On aime : la puissance évocatrice de la mise en scène, le jeu de Michael Fassbender, le fabuleux face-à-face entre Bobby Sands et le prêtre, la finale choc

On n'aime pas : ?