Fort d’une excellente réputation acquise grâce à une trilogie de courts métrages remarqués sur le circuit des festivals, Guy Édoin propose un premier long métrage assez singulier. Marécages n’est pas un film parfait, loin de là, mais il révèle tout de même un regard personnel, une voix, et une vraie griffe d’auteur.

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En campant son intrigue dans un environnement plutôt inattendu – la campagne est ici dénuée de tout aspect folklorique –, l’auteur cinéaste s’inscrit dans cette lignée de drames ruraux dont le propos transcende leur réalité pour atteindre des dimensions presque mythiques.

Tourné sur la ferme des parents du cinéaste, Marécages emprunte les accents d’une tragédie moderne. Accablés par une sécheresse aux conséquences désastreuses, les membres d’une famille exploitant une ferme laitière sont aux prises avec de graves problèmes financiers. La perte d’un maigre pécule peut même revêtir des allures de catastrophe dans les circonstances. Le récit commence d’ailleurs par la naissance d’un veau sur lequel on fonde beaucoup d’espoirs. La séquence est montrée de façon très réaliste. Presque provocante. Les acteurs ont dû la jouer en une seule prise, sous la supervision de la mère du cinéaste.

Les problèmes liés à l’exploitation de la ferme en dissimulent pourtant d’autres, bien plus profonds. Marie (Pascale Bussières) et Jean (Luc Picard) auront tôt fait de faire peser sur les épaules de leur fils adolescent, Simon (Gabriel Maillé), la responsabilité d’un drame survenu, on le devine, des années plus tôt. La mère se braquera encore davantage contre son fils quand, par malheur, l’histoire se répétera.

Aussi, le récit fait écho au mal-être d’un jeune homme dont la vie n’empruntera pas le chemin prévu. Seul port d’attache plus réconfortant: une grand-mère (Angèle Coutu) qui coule de vieux jours heureux avec une femme.

Si le récit comporte des flottements et certaines longueurs, Marécages distille néanmoins une forte puissance évocatrice. Les images, belles mais jamais esthétisantes, se posent en contrepoint des rapports âpres qu’entretiennent les personnages entre eux. À cet égard, les trois acteurs principaux modulent leur partition avec beaucoup de finesse et de subtilité.

Marécages est un film sombre, parfois très dur, duquel émane pourtant une vibrante authenticité. C’est à prendre ou à laisser.

Drame réalisé par Guy Édoin. Avec Pascale Bussières, Gabriel Maillé, Luc Picard, François Papineau. 1h51.