Les premières images de Gordon Sheppard ou l'art de bien mourir sont saisissantes. Le sujet du documentaire de Francine Pelletier est filmé dans son cercueil, sous le regard bienveillant de sa femme et de sa fille, dans la maison familiale.

C'est par ces plans rapprochés, parfaitement mis en scène, que nous faisons connaissance avec Gordon Sheppard, artiste anglo-montréalais original, auteur, cinéaste et photographe qui n'a jamais cessé de croire qu'un jour, au contact de son oeuvre, les gens voudraient en savoir plus sur lui.

Il s'agit d'un portrait d'artiste, bien sûr, mais aussi d'une brillante insinuation dans l'esprit d'un homme qui vit ses derniers mois, condamné par un cancer de la prostate. Un homme qui porte un regard très candide sur cette mort qui l'attend au détour, et qui le fera peut-être enfin connaître.

Avec beaucoup de finesse, Francine Pelletier montre toute la complexité et la grandeur de Gordon Sheppard. Comme en témoignent ses photos de sa mère en train de mourir, celles de Gérald Godin, condamné lui aussi par une tumeur, ou encore le livre qu'il a écrit sur le suicide d'Hubert Aquin, Sheppard a, semble-t-il, toujours été fasciné par la mort.

À la fin, il est vrai qu'on se demande si Sheppard a raison de croire aussi férocement à la qualité et à la pérennité de son oeuvre. Ou si, malgré toute sa singularité et sa pertinence, il n'est pas simplement un artiste marginal. À vous de décider. Une chose est sûre: avant de rendre son dernier souffle, l'homme réussit quand même à nous séduire.

Gordon Sheppard ou l'art de bien mourir. Documentaire de Francine Pelletier. 1h26.