Film coup de poing, Épopée - L'état du moment s'inscrit dans la continuité du documentaire Hommes à louer de Rodrigue Jean dans la mesure où il retourne filmer les sujets du précédent documentaire. Le cinéaste utilise aussi leurs talents de scénariste développés en atelier. D'où la dimension fictive de ce qui passe d'abord pour un nouveau, et troublant, documentaire.

D'abord, impossible de dissocier Épopée, le long métrage, de Épopée.me, la version web née il y a presque deux ans. Rodrigue Jean, pilote du projet, croyait d'abord pouvoir monter une fiction à partir de l'univers de ces gens qui vivent en marge de la société. Ces derniers ont manifesté le désir qu'on filme aussi leur quotidien. Le support web divise les courts métrages en deux catégories, l'une pour le documentaire (Trajets), l'autre pour les fictions.

Le long métrage est constitué d'un assemblage de scènes et des courts métrages tirés du projet web, comme un produit dérivé du projet initial, qui expose la vie de ces prostitués mâles autant qu'il remet en question le mode de fonctionnement du business du cinéma, en assurant sa distribution par l'entremise de l'internet (l'accès aux films du projet est gratuit).

Les images et les histoires présentées sont terribles. Ces hommes, certains ayant été déjà présentés dans Hommes à louer (comme Danny, l'un des personnages les plus marquants des deux projets), se livrent avec une candeur touchante.

La caméra paraît se fondre dans l'univers de ces hommes qui ouvrent leur porte à Rodrigue Jean et son équipe. Tourné entièrement en numérique, Épopée nous amène avec eux, dans les rues du Centre-Sud. On dérive derrière leurs pas, on sent toute la solitude qu'ils peuvent ressentir.

Il est beaucoup question de drogues dans Épopée et le film ne tente pas de montrer l'acte de consommer de manière «cinématographique». Il n'y a rien de joli à voir ces hommes tirer des bouffées de crack avec leur pipe de fortune.

Docu-fiction dirigée et réalisée par Rodrigue Jean. 1h15.