Depuis plus de 20 ans, Étienne Chatiliez se plaît à passer au collimateur les travers de notre société. Après avoir rigolé férocement des différences de classes sociales (La vie est un long fleuve tranquille), des aînés odieux et mesquins (Tatie Danielle) et des «adulescents» qui collent à la maison (Tanguy), le cinéaste se frotte cette fois avec Agathe Cléry au thème du racisme, sur le ton inattendu de la comédie musicale.

L'idée du scénario, écrit en collaboration avec Laurent Chouchan, lui est venue du cas véridique d'une femme blanche d'Afrique du Sud qui, à l'époque de l'apartheid, a vu sa peau devenir très foncée.

Chatiliez a tout de suite vu dans cette anomalie médicale, baptisée maladie d'Addison, le filon idéal pour traiter de l'intégration des minorités en France. D'où le personnage d'Agathe Cléry (Valérie Lemercier), une femme d'affaires hautaine et raciste jusqu'au bout des ongles, qui se transformera graduellement en Noire, après une maladie pigmentaire aussi mystérieuse qu'inattendue.

«En devenant celui qu'on déteste, j'ai eu le sentiment qu'on pouvait parler du racisme, en essayant de le faire avec humour. On a essayé à la fois d'en rire et d'être irrévérencieux», explique Chatiliez, en entrevue au Soleil, l'hiver dernier, dans un grand hôtel parisien.

«Le comportement des individus, c'est ce qui m'intéresse, poursuit-il. Dans Tanguy, ce qui m'amusait, c'étaient ces parents qui disaient du mal de leur enfant et qui avaient envie de le tuer. C'est le cas de tous les parents du monde, sauf qu'on n'a jamais le droit de le dire parce que ce n'est pas bien. Mais ce qu'on ne peut pas faire dans la vie, on peut le faire par l'intermédiaire d'un film. Là, j'ai eu l'impression qu'il était temps de parler de l'intégration des minorités dans notre société blanche.»

Chansons et chorégraphies

Une première dans la filmographie de Chatiliez, Agathe Cléry se décline sur le ton de la comédie musicale. Aussi l'histoire fait-elle une large place aux chansons rigolotes et aux chorégraphies, où Valérie Lemercier et son compagnon à l'écran, Anthony Kavanagh, chantent et exécutent quelques numéros de danse particulièrement réussis.

Loin de Chatiliez l'idée de surfer sur le retour de la comédie musicale française, dans la foulée de Modern Love ou Les chansons d'amour. «À l'époque où je travaillais dans la publicité, j'y avais parfois recours, mais c'est la première fois dans un long-métrage. J'avais envie depuis longtemps de faire une comédie musicale. Je trouvais que la légèreté du sujet s'y prêtait bien.»

Pour Agathe Cléry, le cinéaste a enfin pu travailler avec Valérie Lemercier, après une tentative infructueuse. «J'avais envie de travailler avec elle. On avait déjà essayé une fois et ça ne s'était pas fait. Le film lui a demandé beaucoup de travail, avec les danses à apprendre et la préparation des maquillages. Plus de deux ans en fait.»

Kavanagh : une révélation

Quant au choix de l'humoriste Anthony Kavanagh, Chatiliez explique qu'il s'est imposé après un moment d'hésitation. «Je ne pensais pas du tout que ce pouvait être lui. Il était plus fort en chant qu'en danse, mais j'ai changé d'avis quand je l'ai rencontré. J'ai beaucoup aimé le bonhomme. C'est un vrai comédien, vachement sérieux et juste. J'ai trouvé qu'il se débrouillait extrêmement bien. Le fait qu'il soit Nord- Américain lui donnait aussi une décontraction plus grande, parce que l'intégration des minorités dans la société nord-américaine est plus grande et plus ancienne que chez nous.»

Étienne Chatiliez ne tourne pas beaucoup : seulement sept films en 20 ans. Une lenteur qui fait partie de sa nature, confesse-t-il. «C'est vrai, je ne suis pas très rapide mais j'aime bien l'être. C'est bizarre... Je prends mon temps, car je n'ai pas très confiance dans mes idées. Je me demande toujours si c'est bien ou pas. C'est ce qui me prend du temps. Je ferais mieux de réfléchir un peu moins et d'agir un peu plus, effectivement. Mais j'ai du mal, du mal...»

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