Neuf ans après Le violon rouge, le nouveau film de François Girard, Soie, basé sur le best-seller d'Alessandro Baricco, arrive le 21 septembre sur nos écrans. L'adaptation, la distribution, le tournage: les principaux artisans de cette coproduction entre le Canada, le Japon et l'Italie, racontent «leur» route. vers Soie.

«J'ai mis le livre à l'écran. Je me suis mis au service du texte d'Alessandro, avec les transformations inévitables de l'adaptation», résume François Girard, rencontré à son retour de Toronto où Soie a été présenté en première mondiale mardi. «François a trouvé la clé du livre dans la simplicité. Il a pris le texte et, avec une grande passion, il l'a suivi», affirme Alessandro Baricco, joint à Rome au téléphone.

Il est évident que les deux hommes étaient faits pour se rencontrer. S'entendre. Soie a permis cela. Même si leurs routes (de la soie?) auraient finies par se croiser sans ce fil-là.

«Alessandro a vu Trente-deux films brefs sur Glenn Gould, a aimé et signé des essais sur le film. Il a même écrit un de ses romans en écoutant, en boucle, cette trame sonore», indique le réalisateur qui revient au grand écran neuf ans après Le violon rouge. De son côté, l'homme de lettres rappelle que François Girard a mis en scène sa pièce Novecento: «C'est une des plus belles mises en scène que j'ai vues de mon texte.»

Mais il y a plus. Ce désir, chez François Girard, de porter Soie à l'écran. Dès la lecture de ce roman aussi court que grand. Les droits n'en étaient pas libres. Il a patienté. Plus de cinq ans. Pour cette histoire belle, toute en simplicité et en poésie, posée dans le XIXe siècle, un pied en France, l'autre au Japon. «Un voyage dans les continents et les cultures, fait-il, qui est avant tout un voyage au coeur d'un personnage.»

Ce personnage, c'est Hervé Joncour (Michael Pitt). Qui vit dans un petit village de France. Où il est marié à Hélène (Kiera Knightley). Qu'il quitte pour plusieurs mois et à plusieurs reprises afin d'aller au bout du monde. Le vrai. Au Japon. Où l'on trouve la crème des vers à soie. Là, il croise le regard d'une jeune fille (Sei Ashina) dont il se saura jamais rien, pas même le nom. Elle deviendra son obsession.

«J'appelle ça le syndrome de l'ascenseur, dit François Girard, et tous les amoureux peuvent, un jour, en être atteints. Il y a un moment ou, même si l'on est complètement consacré à un amour, une porte d'ascenseur s'ouvre, on aperçoit une femme et on pense: «J'aurais pu être avec elle». C'est ce que vit Hervé, happé par cette jeune Japonaise.» Le livre dit cela. François Girard a voulu l'éclairer de manière à ce que son film, tourné en anglais (Silk), mette en lumière le fait que cette obsession est le reflet de l'amour d'Hervé pour Hélène. «Ces deux femmes sont des fragments d'un même amour.»

Existait aussi, dans l'histoire, ce contrepoint fascinant «entre une grande intimité, celle des gens vivants dans les petits villages, et les grands voyages qui mènent Hervé au bout du monde - qui donnent une respiration épique au récit, le rendent très cinématographique». Attirant.

Enfin, le réalisateur avait entre les mains un livre qui «avait la densité d'un film».

Un livre qui, pour être transposé à l'écran, n'aurait pas besoin d'être réduit. Pas de pages arrachées. Pas de personnages tués. C'est plutôt le contraire qui s'est produit.

«Ce qui nous a demandé le plus de travail dans l'écriture du scénario, à Michael Golding et moi, a été le personnage d'Hélène, à qui nous avons donné une «chair». Elle est très importante dans le roman, mais ne se manifeste pas en scènes. Nous lui en avons écrit. Nous lui avons donné un rêve - un jardin qui, dans le roman, est celui d'Hervé - et un métier, celui de professeur.»

Restait à lui donner un visage. François Girard a lancé l'invitation à Keira Knighley comme on lance une bouteille à la mer. Sans espérer de nouvelles. Ignorant que la jeune comédienne adorait ce livre au point d'avoir même tenté d'en obtenir les droits d'adaptation. «Elle a lu le scénario en étant certaine de le détester, se souvient le producteur torontois Niv Fishman. Elle l'a aimé et a accepté de se joindre à nous.»

Au sein de ce «nous», Michael Pitt, qui était déjà de la partie. Lui, a lu le scénario, puis a découvert le roman... dont il est devenu le gardien quasiofficiel sur le plateau. «Il en avait toujours un exemplaire sous le bras», s'amuse le réalisateur. «La première personne à qui je veux plaire si je travaille dans une adaptation, c'est l'écrivain», explique l'acteur, de passage à Montréal cette semaine pour fouler le tapis rouge de Soie.

Pour François Girard, Michael Pitt, sérieux, investi et pas particulièrement bavard, a beaucoup en commun avec son personnage. «C'est vrai qu'Hervé observe plus qu'il ne parle, note le comédien. Une grande partie de ce qu'il a à dire passe à l'écran par l'intermédiaire de la narration et non de dialogues. Or, il est toujours plus facile de jouer quand on a à parler. Dire les choses sans les dire constitue un défi plus grand. Donc plus intéressant.» Pour lui. Pour Soie.

Soie prend l'affiche le 21 septembre, en français et en version originale anglaise (Silk