En 1989, Cruising Bar atterrit dans les cinémas du Québec. Michel Côté, habitué à multiplier les performances dans Broue, se confie d'un coup quatre rôles au cinéma : quatre hommes que tout sépare mais qui, le même soir, vivent de tristes histoires après une virée dans des boîtes de nuit. La comédie tiendra l'affiche plus d'un an. Deux décennies plus tard, l'acteur, la scénariste Claire Wojas et le réalisateur Robert Ménard ramènent Gérard, Jean-Jacques, Patrice et Serge à la case départ.

Il y a près de 20 ans, Michel Côté a frappé un grand coup en se glissant dans la peau de quatre personnages dans la même comédie. Les aventures de Gérard, Jean-Jacques, Patrice et Serge incarnés par l'acteur ont attiré des milliers de Québécois au cinéma. Demeuré plus d'un an à l'affiche, le film au budget de 2,4 millions en a généré 3,8 au box-office. «Un record pendant 10 ans», affirme Michel Côté.

Et dire que les institutions étaient loin d'être chaudes à l'idée de financer un projet qui leur paraissait plutôt moulé pour les planches! «Chez Téléfilm Canada, on me disait que le film ne fonctionnerait pas», se souvient Robert Ménard (T'es belle Jeanne, L'enfant d'eau). Le réalisateur a alors tenté le tout pour le tout. Il a fait passer une audition à Michel Côté... devant une haut placée de Téléfilm! «Elle est revenue sur sa décision», soutient Ménard.

Jouer plus d'un personnage dans une même production n'était pas nouveau pour Michel Côté, qui en est à sa 30e saison de Broue. À croire que la formule vaut son pesant d'or pour l'acteur. Depuis, Claudine Mercier a bien campé quatre filles dans Idole instantanée, mais a créé beaucoup moins de vagues.

Depuis les années 90, de façon cyclique, les spectateurs seraient nombreux à réclamer une suite de Cruising Bar à Michel Côté. Et les journalistes, nombreux à revenir sur le phénomène en entrevue. «Pendant 19 ans, la question qu'on m'a posé le plus sur ma carrière cinématographique c'est: «Pourquoi ne pas faire un autre Cruising Bar?» affirme l'acteur qui a pourtant multiplié les apparitions remarquées au cinéma depuis (C.R.A.Z.Y., Sur le seuil, Le dernier tunnel, La vie après l'amour, Ma fille mon ange).

L'idée a fait son chemin. Très lentement. «Ça ne me tentait pas de m'attaquer à quelque chose qui avait bien marché, avoue Michel Côté. Finalement, j'ai conclu que j'étais poule mouillée et que, dans 20 ans, au foyer de vieux, je risquais d'avoir des regrets. Mais quand Robert Ménard et moi avons plongé dans l'aventure, la souffrance a commencé!»

Quel ton donner à cette nouvelle comédie. D'où faire repartir les personnages? «De 40 à 55 ans, on ne change pas tant que ça, estime Ménard. On avait donc un handicap au départ. Ça n'a pas été facile d'écrire. Ça a débloqué après trois mois, puis on a écrit le scénario pendant un an et demi.»

Le premier Cruising Bar suivait le quatuor butinant dans des bars pendant une longue soirée. La suite est finalement calquée sur le premier film, les quatre hommes étant soit nouvellement séparés, d'éternels insatisfaits ou célibataires chroniques (VOIR TABLEAU).

Rien n'aurait donc vraiment changé, côté histoires de coeur, selon Michel Côté. «Les relations amoureuses sont toujours aussi compliquées, résume-t-il. Il y a aujourd'hui des cellulaires et il n'y a plus de fumée dans les bars, mais le fond est le même : on a tous un éternel besoin d'aimer et d'être aimé.»

Comme dans le premier film, on suit les quatre hommes en parallèle. À l'image de la comédie de 1989, Cruising Bar 2 est formé de quatre courts métrages d'une vingtaine de minutes. «Les sketches, c'est une bonne recette, soutient Michel Côté. Le spectateur peut ainsi rester captivé.»

Les moyens techniques à portée de main auraient pourtant permis d'intégrer Gérard, Jean-Jacques, Patrice et Serge dans les mêmes scènes. «Aujourd'hui, c'est justement si facile à faire qu'on a passé notre tour, mentionne Côté. Il y a eu 12 000 pubs de Bell avec des personnages incarnés par Benoît Brière! On a préféré laisser les nôtres chacun dans leur monde. Ils n'habitent de toute façon pas les mêmes quartiers.»

La facture de Cruising Bar 2 est donc sensiblement la même que celle du film de 1989. Les dialogues aussi peu nombreux également. L'action passe presque essentiellement par les gestes et les regards de Michel Côté qui dit ne pas avoir eu de mal à rechausser les souliers de ses personnages porte-bonheur. «Je n'ai pas eu à répéter avant le tournage», confie celui qui a cependant dû faire preuve de patience sur la chaise du maquilleur.

Son Gérard ayant engraissé du tour de taille et du menton, Michel Côté s'est prêté à des séances de métamorphose de trois heures. Pour Jean-Jacques, le tout prenait... à peine 90 minutes! Et pour le reste? «Tout est une question d'attitude physique, de démarche et de swing, explique Côté. C'est un véritable trip d'acteur!»

Les personnages en 1989 et en 2008

Gérard dit le Taureau en 1989

Gérard, l'enveloppé propriétaire d'un commerce de voitures d'occasion, a le sex-appeal d'une quille. Les femmes lui tombent néanmoins dans les bras, pour le plus grand plaisir du chaud lapin qu'il est et au grand dam de son épouse, Gertrude, qui découvre qu'elle a un mari infidèle.

... en 2008

Les voitures que Gérard conduit sont moins grosses. Son tour de taille et son double menton ont toutefois pris du volume en 19 ans. Ses histoires pour attirer les femmes dans ses boxers sont toujours les mêmes («Ma femme est partie avec un autre homme.»). Il a changé de secrétaire, mais pas d'épouse. Lasse de ses infidélités répétées, sa Gertrude le met (enfin) à la porte. Il fera tout pour la reconquérir.

 Jean-Jacques dit le Paon en 1989

C'est l'homme parfait... dans une pub d'Ernest! Impeccablement vêtu, Jean-Jacques cherche froidement et mécaniquement l'amour et mise sur ses biens matériels pour faire craquer les femmes. Celles-ci doivent être magnifiques, rien de moins. Mais même lorsqu'elles ont les traits de Louise Marleau, il n'est pas dit que son canon larguera la bombe!

... en 2008

Physiquement, Jean-Jacques a à peine changé. Il est toujours aussi droit, fier, narcissique et drôlement peigné. Homme de peu de mots, de contenu et d'esprit, Jean-Jacques est toujours en quête d'excitation sexuelle. Huit ans de thérapie font conclure à sa psy qu'il est peut-être homosexuel.

Patrice dit le Lion en 1989

Accessoiriste sur des plateaux de tournage, Patrice ne s'attire que les foudres des réalisateurs à cause de sa maladresse et de sa bonhomie. Sa consommation effrénée de cocaïne lui a fait perdre l'amour de sa vie, qu'il tente de reconquérir.

... en 2008

Cascadeur sur des plateaux de tournage, Patrice ne s'attire que les foudres des réalisateurs à cause de sa maladresse et de sa bonhomie. En début de film, sa blonde le largue. Son nombre élevé de dents et son immuable coupe Longueuil sont encore ses principaux atouts. Sa propension à mentir ne s'est pas atténuée.

Serge dit le Ver de terre en 1989

Solitaire malgré lui, Serge manque terriblement de confiance en lui. Probablement à cause des boutons qui décorent son visage. Il a le don de se retrouver dans de fâcheuses positions dans un autobus ou lorsqu'il va danser dans des clubs gais.

... en 2008

Serge cherche l'amour avec une femme «un peu» belle. Il n'est plus boutonneux, mais sa chevelure a conservé son roux cuivré. Il voyage encore dans les transports en commun. Les cours de danse sociale qu'il suit pourraient le mener dans les bras d'une dulcinée.