Il a écrit pour les autres (Jean-Marc Vallée ou Pierre Houle), réalisé un téléfilm aux États-Unis (The List). Aujourd'hui, Sylvain Guy tourne le scénario qu'il s'est préparé, Léo Huff, un film noir. Avant le début du tournage, le réalisateur a rencontré La Presse, sous l'égide de son inénarrable impresario, pour se raconter.

On connaît Sylvain Guy, sans vraiment le connaître. On sait le scénariste derrière Stéréotypes et Liste noire, les premiers films de Jean-Marc Vallée, on se souvient, aussi, d'un court métrage polyglotte et primé (Zie 37 Stagen). On soupçonne un homme réservé, mais voilà qu'on découvre un homme, si passionné de noir soit-il, affable et enthousiaste.

«On ne choisit pas ce qu'on écrit: ça nous choisit. Si j'essaie de rationaliser, je me dis qu'on a tous besoin d'un bon coup pied au cul, parce qu'on est très individualistes, qu'on ne pense qu'à notre bonheur personnel, qu'on se fout des autres. Je pense que c'est le temps de le dire», dit-il.

Il le dira avec Léo Huff, un thriller noir, inspiré par les paysages sauvages du Bic. Luc Picard, Isabelle Guérard et Guillaume Lemay-Thivierge jouent les personnages principaux du film, actuellement en tournage. Sans presque rien dévoiler de l'intrigue, il explique: «J'aime pas aller vers la majorité. Ça a toujours été ça, tous mes projets sont noirs, ça finit mal.»

Pourtant, le premier choix de carrière de Sylvain Guy n'est pas tout à fait un acte de rébellion. Issu d'une famille d'avocats, le jeune homme, fana de théâtre, se tourne lui-même vers le barreau. Il entame même sa carrière avant de tout laisser tomber, et de se consacrer à l'écriture.

«J'ai passé ma première année avec 8000$», rit-il. Il rencontre le producteur de GPA Films, Marcel Giroux. Écrit un premier scénario, refusé. Puis un autre, accepté cette fois: ce sera Stéréotypes, que réalise un jeune monteur, Jean-Marc Vallée. Quelques années plus tard, le trio présentera Liste noire, un thriller inspiré à Guy par son passé judiciaire.

«Après Liste noire, j'ai continué là-dedans, j'ai continué à écrire. Il y a plein de trucs qui ne se sont pas faits. J'ai aussi fait Monica la mitraille avec Luc Dionne, raconte-t-il. J'ai beaucoup aimé le droit, je n'aimais pas pratiquer, mais j'aimais le droit. Je préfère ce que je fais de loin, même si ce n'est pas facile.»

Depuis qu'il est scénariste, Sylvain Guy s'est inventé une vie faite d'écriture matinale pour ses propres histoires «J'ai vraiment besoin d'écrire, je me lève tous les matins à 4h du matin» et de collaborations avec d'autres auteurs pour les projets dits «de commande».

«Il faut défendre ses scénarios, mais continuer à écrire. Sinon, tu vas mourir avec», dit-il, en bonne connaissance de cause. En plus de Léo Huff, il travaille actuellement sur plusieurs autres projets, parmi lesquels une adaptation du roman de Gaëtan Soucy, La petite fille aux allumettes, et deux projets en anglais, pour l'instant tenus secrets.

«J'écris lentement, je suis très lent, surtout quand ce sont mes propres choses. L'idéal, pour moi, c'est de faire comme Kubrick et de prendre 10 ans entre des films», croit-il. Et d'ajouter: «J'ai besoin de bouger. Juste écrire des scénarios, pour moi, c'est bien, mais à un moment donné, j'ai besoin d'autre chose. Je veux pouvoir sortir de ma cave.»

Au Nouveau-Brunswick, où se tourne en grande partie Léo Huff, Sylvain Guy estime avoir réuni la meilleure équipe possible autour de son projet. Comparant Léo Huff au tournage du remake pour la télévision américaine de Liste noire, il dit: «"Ce que je vis en ce moment, c'est 300 000 fois ce que j'ai vécu avec mon film américain. J'ai plus de temps, de meilleurs comédiens, on a plus de latitude quant à ce que l'on peut raconter.»

L'enthousiasme de Sylvain Guy pour ses films n'a pas été entamé, ni par les difficultés de production ou les refus des institutions. «Mon désir, ce n'est pas de travailler aux États-Unis, en France, au Québec. C'est d'arriver à faire le film que je veux faire. C'est juste ça.»