Il n'y a pas seulement l'humour absurde au registre de Claude Meunier. En écrivant Le grand départ, son premier film, l'auteur était en quête d'authenticité. Il a, cette fois, voulu raconter l'amour en touchant plus qu'en faisant rire.

Claude Meunier était allongé sur une plage américaine. Il avait le nez plongé dans un article du magazine Time qui traitait des bouleversements chez certains baby-boomers. Il y était entre autres question des nantis qui quittent épouse et famille pour refaire leur vie avec une demoiselle plus jeune qu'eux. C'était il y a 15 ans. «En gros, le journaliste posait la question: pourquoi les jeunes femmes partent-elles avec des hommes plus âgés? se rappelle Meunier. Parce que ces baby-boomers ont de l'argent et du pouvoir. Ça m'a fasciné. J'ai alors eu le goût de parler de ma génération.»

Ironie du sort, c'était un an avant que Claude Meunier ne refasse lui aussi sa vie (et ait deux autres enfants), après avoir vécu 16 années avec la même femme. De cette rupture et de la lecture de l'article, notamment, est née l'ébauche d'un film. Une fois le scénario achevé, Le grand départ allait raconter la vie d'un médecin de 53 ans (Marc Messier) qui quitte sa femme, après 28 ans de vie commune, pour une autre. «Le grand départ est biographique en partie, raconte Meunier. C'est inspiré de ce que j'ai ressenti à l'époque. Mais jamais je n'aurais mis mon ex à l'écran. Mes personnages sont toujours des hybrides.»

Personne ne voudrait se reconnaître dans les traits de Céline (Guylaine Tremblay), l'épouse délaissée, pour qui la rupture est un choc. Celle-ci survient parce que son mari est éperdument tombé amoureux d'une peintre de 28 ans (Hélène Bourgeois Leclerc). Les sentiments sont réciproques.

Malgré tout, même si le médecin, dont le quotidien à la maison est terne, quitte rapidement la maison, il ne vivra pas sans peine sa nouvelle relation. D'un côté, il y a la nouvelle flamme, aussi compréhensive que belle. De l'autre, une ex et une ado qui accusent le coup terriblement. «Jean-Paul est dans l'ivresse, mais ça le rattrape, car il est quand même attaché à sa femme et ses enfants», note Meunier.

«Le plus gros problème, c'est qu'il pense qu'il peut faire une omelette sans casser des oeufs, ajoute Marc Messier. Il pense naïvement qu'il n'aura pas de problèmes après avoir simplement dit à sa femme qu'il la quittait.»

Et si, au moins, il n'y avait pas cet écart d'âge qui rappelle à l'épouse qu'elle n'a plus 20 ans. À 53 ans, se retrouver avec une fille de 28 ans, c'est mieux qu'un trophée de chasse! «J'aurais pu présenter un couple de 30 et 45 ans, mais je voulais mettre en scène des enfants plus vieux. Cela dit, mon film, ce n'est pas Le grand écart. Ce n'est pas un trippe de pitoune. Il met en scène un homme romantique dont la vie émotionnelle est vide.»

«Le grand départ, c'est une histoire d'amour, note aussi Marc Messier. Ce qui rend mon personnage intéressant. Il est différent de ce que j'ai beaucoup joué, dans La petite vie, Lance et compte et Les boys notamment. Jean-Paul est sincère. Il ne joue pas un jeu. Il est aux prises avec les vrais problèmes de la vie, avec la culpabilité.»

La vie après l'absurde

Avec Le grand départ, Claude Meunier voulait une oeuvre qui soit plus ancrée dans la réalité que ses loufoques Petite vie et Voisins notamment. Qui appelle des dialogues qui touchent et des situations que plusieurs ont vécues. Si l'auteur flirte encore avec l'absurde, c'est parce que certains moments de la vie peuvent être difficiles à saisir. «J'ai ouvert dans l'émotion, car on ne peut pas faire un film de 100 minutes en ne faisant que des blagues, explique Meunier. Et, de toute façon, j'avais envie d'authenticité. Si le film marche, je veux pouvoir écrire comme ça désormais.»

«J'ai découvert ça de Claude avec beaucoup de plaisir, dit Messier. Contrairement à La petite vie, il ne s'est pas dissimulé derrière des personnages caricaturaux.»

À écriture plus terre à terre, personnages plus humains! «Claude était prêt à faire le pont entre son univers absurde et un nouveau, plus sobre, note Hélène Bourgeois Leclerc. À la caméra, j'avais ainsi le mandat d'amener du réalisme et non du clownesque. Je ne devais pas faire rire. On m'engage souvent pour faire des Dolorès Bougon. Là, je n'étais qu'une amoureuse.»

On peut, cette fois, se reconnaître en chaque personnage. Même en l'épouse vexée qui décide de faire payer son mari, au propre comme au figuré. En fait, c'est l'ex qui est, pendant une bonne partie du film, la moins sympathique du lot. «Ce couple n'a plus de projets, note Guylaine Tremblay. Sur le plan sexuel, il y a l'autoroute 20 entre les deux. Mon personnage est alors une femme vide, en léthargie, en absence d'affection et de fantaisie. Tout ce qu'il lui reste à faire c'est de chercher comment faire payer son ex quand il la laisse.»

La demi-Petite vie

Guylaine Tremblay, Marc Messier, Rémy Girard (en voisin), Diane Lavallée (en voisine)... On croirait une réunion d'anciens de La petite vie, en voyant le générique du Grand départ! Pour sa première réalisation, Claude Meunier s'est entouré de comédiens qu'il connaît depuis longtemps. «C'est très humain d'aller vers sa famille artistique, estime Guylaine Tremblay. Claude se sent en sécurité avec nous.»

«Il y avait effectivement une espèce d'aisance sur le plateau, ajoute Meunier. Je voulais des comédiens qui puissent jouer autant la comédie que le drame.»

Les comédiens assurent que le tournage s'est fait dans la joie, même s'ils devaient s'en remettre à un ami qui en était à sa première réalisation. «Il s'est très bien entouré, constate Hélène Bourgeois Leclerc. Il s'est embarqué dans un bateau qu'il a lui-même construit et nous avons vogué ensemble dans le plaisir et la sérénité.»

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Le grand départ prend l'affiche le 19 décembre.