Pendant trois jours, à Ciné-Québec, les distributeurs québécois ont vanté cette semaine les mérites de leurs films à des exploitants de salles de cinéma traités aux petits oignons. Après une année 2008 marquée par une baisse de la popularité des films d'ici, le milieu du cinéma veut croire en des jours meilleurs.

Jeudi matin, dans l'une des trois salles du cinéma Pine, à Sainte-Adèle. Mahée Paiement glisse quelques mots de bienvenue aux exploitants de salles de cinéma, faisant, çà et là, quelques blagues et beaucoup de remerciements. C'est la dernière journée de Ciné-Québec: TVA Films présente aux programmateurs et exploitants ses films pour l'année.

«Ça va être une très grosse année: on a une quinzaine de films porteurs, un record, pour TVA Films», s'enthousiasme le président de la compagnie, Yves Dion. En plus des stratèges de la maison de distribution, les acteurs et actrices des principaux films sont invités à parler eux aussi aux exploitants.

Les pieds dans le vide est «un film pour les jeunes, par les jeunes et avec des jeunes: une rareté dans le cinéma québécois», dit Mariloup Wolfe à propos de son premier long métrage. Celle que l'on connaît surtout comme comédienne insiste: certes, le film est campé dans le milieu du parachutisme, mais le film parle aussi du cancer, de l'homosexualité et des relations parents-enfants: «On espère ratisser large», conclut-elle.

«On investit dans nos films québécois, pour qu'ils aient un budget de promotion à la hauteur», dit Yves Dion. Les distributeurs s'intéressent de plus en plus aux méthodes de promotion sur l'internet: plus efficace et plus économique aussi. «On dépensait, dans le temps, entre 1,2 et 1,3 million en promotion: c'était beaucoup. Maintenant, on revient à des choses plus modestes», explique le président de TVA Films.

Dans un contexte marqué par la crise et la baisse des revenus en salle, il est de bon ton de rassurer les exploitants avec des films au fort potentiel commercial. Le distributeur Alliance présentait, mardi, une vidéo de Louis-José Houde et de Michel Côté pour De père en flic. Alliance a même invité le pianiste Alain Lefebvre à interpréter une pièce d'André Mathieu, à qui Luc Dionne consacre un film.

«On présente des bandes-annonces, on fait un travail de vente auprès de nos clients. Ça leur met l'eau à la bouche: c'est ça l'idée, souligne Patrick Roy, président d'Alliance Vivafilms. Le propriétaire de salles prend la décision pour ses clients. Ultimement, il va demander: quel est le film qui va remplir ma salle?»

Des distributeurs plus prudents

À Ciné-Québec, grâce aux bandes-annonces, les exploitants «peuvent savoir ce qui marche. Quand on parle après de dates de sorties, ça peut les aider», dit Patrick Roy. Cette année, toutefois, Alliance Vivafilm n'a pas annoncé de dates fermes pour la majorité de ses sorties. «On est plus prudents qu'auparavant, on fait attention à la compétition», justifie-t-il.

D'après les participants à Ciné-Québec, l'événement permet aussi de créer un «buzz» sur des films. «Ça se sent, il y a des titres accrocheurs, surtout sur une période plus difficile. C'est important: cette année, c'est à nous d'exciter les exploitants», estime le producteur de Cirrus Communication, Pierre Even.

L'exigence de succès commercial est-elle compatible avec tous les genres de films? «Pour moi, il y a des nuances à apporter à cela: on a des propriétaires de salles qui soutiennent le cinéma québécois. Pour eux, c'est parfois plus de 10% de leurs recettes, c'est significatif», répond Patrick Roy.

Au cinéma québécois, Alliance Vivafilm devrait amener au grand écran des comédies (De père en filc, d'Émile Gaudreault, ou Les doigts croches, de Ken Scott), des drames (Polytechnique, de Denis Villeneuve) voire des films de genre (deux adaptations des romans de Patrick Sénécal, Les 7 jours du talion et 5150, rue des Ormes). De son côté, Séville allie des films d'auteur (Demain, de Maxime Giroux, ou Suzie, de Micheline Lanctôt) à des films commerciaux (À vos marques... Party! 2), mais laisse planer le mystère quant aux dates de sortie des films hérités du catalogue de Christal (The Timekeeper, de Louis Bélanger, par exemple).

Si «l'offre» de films est diversifiée, certains se questionnent quant aux risques «d'engorgement». «Il y a 26 films québécois cette année, personnellement, je trouve ça énorme», dit Robert Ménard, réalisateur du Bonheur de Pierre. «Notre cinéma a une vitalité extraordinaire: mais il y a un danger, il n'a pas le temps de marcher», considère, lui aussi, Rémy Girard.