Après la fin d'un dépanneur (Roger Toupin, épicier variété) et un regard sur une culture menacée (Ce qu'il faut pour vivre), le cinéaste Benoît Pilon filme la descente d'un homme dans le Montréal interdit. Décharge, qui raconte le destin de Pierre et Madeleine (David Boutin et Isabel Richer), un couple aux prises avec des démons du passé, a amorcé son tournage le 26 avril. La Presse a visité hier le plateau de ce film produit par Remstar.

Rue de Verdun, en face de la Clinique médicale Hickson, on s'apprête à tourner une scène où Pierre Dalpé court dans les rues de Verdun pour se rendre au chevet de son fils blessé. Benoît Pilon et son équipe s'attaqueront aussi à une petite scène dans laquelle Pierre, éboueur et propriétaire d'une petite entreprise, est pris de remords après avoir un peu brutalisé la jeune junkie qu'il chercher à aider.

«Ça faisait longtemps que je voulais faire un film autour d'un personnage qui fait un peu le contraire de ce qu'il veut. Quelqu'un qui dit qu'il faudrait nettoyer le quartier puis, finalement, rencontre quelqu'un qui le fascine et se trouve à aller vers ce qu'il ne voulait plus», exprime Pilon, qui ajoute avoir eu «très envie, depuis longtemps, de faire un film ancré dans une américanité».

Cet accent d'Amérique, il est celui du Sud-Ouest, de Pointe Saint-Charles, Ville-Émard, Verdun, «des quartiers qu'on a vus moins souvent au cinéma, qui portent la couleur des quartiers populaires», ajoute Benoît Pilon, qui affirme que tant sa fiction que son travail dans le documentaire portent «un désir de raconter une histoire avec des personnages».

Les personnages qu'incarnent David Boutin et Isabel Richer sont des Montréalais, parents de trois enfants qui, après 15 ans d'un mariage heureux, vivent un écueil. «Madeleine est une femme assez sereine, forte et follement amoureuse de son chum. La vie va l'amener à faire des rencontres et retomber», révèle Isabel Richer, pour qui c'était la première journée dans la peau de Madeleine Dalpé.

Retomber dans quoi? Dans ses anciens démons. La rue. La dope. La chandelle qui se brûle par les deux bouts.

«Pierre Dalpé est un gars assez rock'n'roll qui, à un moment donné, a rencontré une travailleuse sociale qui est devenue sa femme et avec qui il a eu trois enfants. À ce moment-là, il a décidé de changer. Et elle s'est trouvée là, au bon moment. Il a fondé sa compagnie avec trois camions à ordures, il vit dans le même quartier où il a grandi et sa famille est sa priorité. Puis, il rencontre cette fille par hasard, qui est dans le monde de la prostitution et il essaye de l'aider à s'extirper de ça. On ne sait pas si c'est une bonne idée. Mais comme dans la vie, tout n'est pas noir ou blanc», de résumer David Boutin.

Pour Benoît Pilon, Décharge est avant tout un film sur les deuils mal faits. Le cinéaste a aussi voulu s'interroger sur la limite de la relation d'aide et les raisons qui poussent un individu à venir au secours de son prochain.

«J'aime beaucoup poser des questions sans donner les réponses. Placer des personnages dans des positions dramatiques et les confronter à des situations qu'ils comprennent mal et dont ils essaient de se sortir.

«Dans le cas de Décharge, l'attrait pour la rue est lié à ce qu'il est. Pierre vient de là: c'est un jeune délinquant qui a une envie d'absolu, de vivre à 100 milles à l'heure et ne jamais s'arrêter», précise Benoît Pilon.

Né en 2004

Le projet de Décharge est né en 2004, lors d'une rencontre au Festival de films de Namur entre Benoît Pilon et le producteur Richard Lalonde. Le premier y était pour Roger Toupin: épicier variété alors que le producteur y présentait Elles étaient cinq. «Benoît m'a soumis l'ébauche de l'histoire de Décharge. J'ai tout de suite été séduit par son empathie pour les gens qui vivent dans la marge et son regard attendri sur ces personnages. On a continué de développer ce projet qui a été interrompu par Ce qu'il faut pour vivre

La sortie en salle de Décharge est prévue pour 2011.