Route 132 a pratiquement fait l'unanimité lors de sa présentation au FFM. Son affiche aussi. Mais de façon beaucoup plus négative. À un point où l'on s'est même demandé si la carrière du film allait en souffrir. Le principal intéressé affirme être un peu partagé à propos de cette affiche, même s'il a eu droit de regard.

«Denys Arcand dit que faire un film, c'est comme échanger des cartes dans une cour d'école, fait remarquer Louis Bélanger. J'ai eu tout ce que j'ai voulu sur ce tournage. Les productrices Denise Robert et Fabienne Larouche sont réputées interventionnistes et pourtant, j'ai eu pleine latitude dans le choix des acteurs, le choix de la musique, et jusque dans la salle de montage. Elles m'ont totalement fait confiance. En vieillissant, on choisit nos combats. Je sais faire marcher un kodak; je sais jaser avec un comédien; je sais driver une équipe de tournage. Mais je ne connais strictement rien dans les techniques de promotion. Et je préfère laisser cela à ceux qui savent.

«Le monde a changé, poursuit-il. Une affiche de cinéma ne relève plus d'une iconographie à notre époque. Dans mon esprit, l'image ultime du road movie est Stranger Than Paradise. Paris, Texas aussi. Il y a 30 ans, une affiche de cinéma était un objet qu'on gardait et qu'on accrochait dans notre maison pour faire un «statement», ou même pour charmer une blonde au passage. Un homme gai qui accrochait l'affiche de Querelle dans son salon, ça voulait dire quelque chose. J'ai encore aujourd'hui une immense affiche de Land and Freedom dans mon bureau et pour moi, ça veut aussi dire quelque chose. Aujourd'hui, il y a une telle surcharge d'images de toutes sortes qu'une affiche n'a plus du tout la même signification je crois. Ni la même fonction.»

François Papineau

Acteur obsessif

Lauréat du prix d'interprétation masculine au Festival des films du monde de Montréal grâce à ce rôle, François Papineau a pu suivre l'évolution d'un projet qui aura mis quelques années à prendre forme. «Louis, Alexis et moi, nous avons des affinités naturelles si j'ose dire.

Nous avons développé une amitié véritable. Ce qui n'est pas automatiquement garant d'un succès dans le travail ! Mais c'était un beau projet, qui soulève des questions devant lesquelles ont ne s'arrête pa s souvent pour y réfléchir. Il n'y avait rien d'évident avec un sujet pareil. Entre le scénario et la transmission à l'écran, il y avait aussi une grosse job de communication à faire. L'aspect le plus périlleux aura été de gérer les ruptures de ton. Un travail de dosage. Il fallait bien faire écho à la gravité de l'enjeu tout en gardant un ton agréable et accessible. «

«En vieillissant, poursuit-il, je ne veux pas jouer à tout prix. Je préfère ne rien faire plutôt que de jouer des choses qui m'intéressent moins. Je ne suis plus capable de juste fermer ma gueule et de faire l'acteur. J'ai besoin de jouer des affaires moins évidentes, qui exigent du travail. J'aime discuter avec des gens qui n'ont pas obligatoirement réponse à tout. En tournant à l'extérieur de Montréal pendant un mois, j'ai eu l'occasion de me consacrer entièrement au personnage. Et ça, j'aime ça. D'autant que je suis un peu obsessif ! «

Alexis Martin

Acteur d'expériences

Il incarne Bob, l'ami d'enfance encore un peu délinquant avec qui Gilles prendra la route. Alexis Martin signe le scénario de Route 132 avec Louis Bélanger.

« Il y a définitivement une notion politique à ce film, indique-t-il. On part d'une anecdote tragique pour pousser la métaphore autour d'un pays. Notamment l'inquiétude liée au déclin dans les villes et villages des régions rurales. Je ne suis pas le seul à m'en inquiéter. Je ne peux que l'évoquer comme le font les artistes. En témoigner. Je n'ai pas de solution à offrir. Je ne suis pas le préfet d'une MRC.»

«Quant aux ruptures de ton, elles furent ajustées tous les jours sur le plateau. Et constituaient l'objet de l'expérience. L'unité de ton, cela n'existe pas dans la vie. Il y a toujours une éruption inattendue et un peu agressante dans la vie de quelqu'un qui vit une peine profonde. Et qui a forcément du mal à comprendre comment le monde peut continuer. «

Sophie Bourgeois

Actrice heureuse

Elle interprète la mère d'une fillette, acoquinée avec un rustre intolérant, que les deux gars rencontrent au gré de leur périple. Sophie Bourgeois a insisté pour avoir sa chance d'obtenir le rôle. Un coup de fil à la directrice de casting, la même que celle de la série télé C.A. (dont elle était l'une des vedettes), et le sang de l'actrice n'a fait qu'un tour.

«Elle me parle alors du projet de Louis, explique-t-elle. Elle dit que le rôle serait parfait pour moi mais que je suis malheureusement trop vieille pour le jouer ! Comme elle avait dit la même chose pour C.A., j'ai quand même insisté pour qu'elle obtienne de Louis qu'il me voie en audition. Je suis friande du cinéma d'auteur québécois et j'aime particulièrement le cinéma de Louis. J'ai bien fait car ce tournage fut un bonheur de tous les instants. Tout le monde était heureux de faire ce film. Kamouraska, le fleuve, Louis, sa délicatesse, sa finesse Quelque chose de très apaisant sur le plateau. On m'aurait demandé d'incarner une poignée de porte que ça ne m'aurait pas dérangée !»

>>>Lisez l'article Louis Bélanger: la route de soi de Marc-André Lussier