Tous les pronostics ont été confirmés. Incendies est ressorti grand vainqueur de la 13e Soirée des Jutra, tenue hier soir au Théâtre St-Denis. Nommé dix fois (mais en lice dans neuf catégories), le film que Denis Villeneuve a tiré de la pièce de Wajdi Mouawad a récolté neuf trophées au total, dont les plus prestigieux : film, réalisation et scénario. Un score parfait en quelque sorte. Ce sacre vient ainsi couronner un parcours exceptionnel où, parallèlement à un succès populaire inespéré au Québec, Incendies s'est distingué sur les plus prestigieuses tribunes internationales.

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En allant chercher le troisième Jutra de la meilleure réalisation de sa carrière, son deuxième de suite après celui obtenu l'an dernier pour Polytechnique, Denis Villeneuve s'est montré élégant. «Je pense que j'aime mieux les Jutra québécois que les Jutra américains! a-t-il lancé. Je sais que c'est arbitraire. Je vais ainsi user de mon privilège et dire que, si c'était moi qui décidais, je le donnerais à Robin Aubert, a dit l'auteur cinéaste, en rendant hommage au réalisateur d'À l'origine d'un cri. Robin, tu as toute mon admiration!»

Trois jours après avoir obtenu le prix de la meilleure actrice aux Génie du cinéma canadien, Lubna Azabal a obtenu la même accolade de la part du milieu du cinéma québécois grâce à sa remarquable performance dans Incendies. La comédienne belge, qui «n'avait rien préparé cette fois non plus», a salué l'interprète de sa fille, Mélissa Désormeaux-Poulin, sélectionnée dans la même catégorie, en invitant cette dernière à monter sur scène avec elle. «J'ai une pensée pour les femmes en ce moment dans le monde arabe. Ces femmes, ces mères qui se battent pour la liberté et pour leur vie», a-t-elle aussi ajouté.

Prix des artisans

Incendies a également fait son plein de Jutra du côté des artisans. André Turpin est devenu hier soir le recordman de la manifestation en obtenant le sixième Jutra de sa carrière. Turpin a été célébré hier soir pour la direction photo d'Incendies, son quatrième sacre dans cette catégorie. Un crabe dans la tête lui avait également valu le Jutra de la meilleure réalisation et celui du meilleur scénario en 2002. S'adressant à Villeneuve, le directeur photo a pourtant dit être «pathétiquement jaloux» du talent du cinéaste.

André-Line Beauparlant a aussi été primée. La directrice artistique d'Incendies avait eu droit au même honneur il y a quatre ans grâce à Un dimanche à Kigali.

Les Jutra du meilleur montage (Monique Dartonne), du meilleur son (Sylvain Bellemare, Jean Umansky et Jean-Pierre Laforce) et des meilleurs costumes (Sophie Lefebvre) ont aussi été attribués aux artisans d'Incendies.

D'autres films au palmarès

Au coeur de cette domination, cinq autres longs métrages de fiction sont quand même parvenus à se tailler une place dans le palmarès établi par l'ensemble des votants.

Dans la catégorie où la concurrence était la plus vive, Claude Legault a été sacré meilleur acteur grâce à sa performance dans 10 1/2. Dans ce film réalisé par Daniel Grou-Podz, le populaire acteur incarne avec brio le rôle d'un éducateur chargé du cas d'un gamin jugé irrécupérable par le système. L'acteur a tenu à rendre hommage aux professionnels des centres jeunesse.

«Je lève mon chapeau à tous les intervenants, a-t-il déclaré. Sans ces gens-là, il y aurait encore plus d'enfants qui se noieraient et de familles en perdition.»

Le Jutra de la meilleure actrice de soutien a été attribué à Dorothée Berryman pour son rôle d'humoriste de «variétés» dans Cabotins. «Mon premier Jutra!» a-t-elle dit, émue, avant de révéler qu'elle en était presque rendue à prier le bon Dieu comme son personnage. «Faut que je joue, c'est pas négociable!»

Déjà lauréat du Jutra-Hommage, ce qui lui a valu une ovation très émouvante, Jean Lapointe a de son côté ajouté le Jutra du meilleur acteur de soutien à ses lauriers. L'honneur a rejailli sur toute l'équipe d'À l'origine d'un cri. «Tout le monde a fait un travail colossal», a fait remarquer le vétéran.

Barney's Version a été distingué deux fois, recevant les Jutra de la meilleure coiffure et du meilleur maquillage. Rappelons que le lauréat dans cette catégorie, Adrien Morot, était en lice pour un Oscar il y a deux semaines.

Les compositeurs Guy Bélanger et Benoît Charest ont valu à Route 132 (de Louis Bélanger) le Jutra de la meilleure musique originale.

Le trophée du meilleur documentaire a par ailleurs été remis à Pierre Falardeau, film coréalisé par Carmen Garcia et German Guttierez. On peut voir dans ce sacre un hommage posthume à un cinéaste qui n'a compté qu'une seule nomination aux Jutra de son vivant (pour 15 février 1839 en 2002).

M'ouvrir (Alberic Aurtenèche) a obtenu le Jutra du meilleur court ou moyen métrage; et Les journaux de Lipsett (Theodore Ushev), celui du meilleur film d'animation.

Xavier Dolan, dont le premier film, J'ai tué ma mère, avait obtenu le Jutra du meilleur film de l'année l'an dernier, voit cette année son second long métrage, Les amours imaginaires, obtenir le Jutra du film québécois s'étant le plus illustré à l'étranger. Piché - Entre ciel et terre (Sylvain Archambault) est évidemment le lauréat du Billet d'or, attribué au film ayant généré le plus de recettes aux guichets.

On pourrait aussi inclure Sylvie et Moreau et Yves Pelletier parmi les gagnants de la soirée. Cette 13e Soirée des Jutra fut de loin l'une des meilleures des récentes années.