Le prochain film de Micheline Lanctôt s'intitulera Autrui, sera tourné dans le quartier Centre-Sud et s'intéressera au regard que les gens portent sur l'itinérance, a appris La Presse.

Le producteur Reprise Films (Roméo Onze) et le distributeur Métropole Films en feront l'annonce ce matin. Le scénario est terminé et le projet est maintenant déposé pour l'obtention du financement à la production.

«Mon film n'en est pas un sur l'itinérance. C'est un film sur notre rapport à l'autre, dit Mme Lanctôt en entrevue. Je veux comprendre: qu'est-ce qu'on fait devant une personne dont la vie est en miettes et envers laquelle on sent une certaine responsabilité. Jusqu'où peut-on aller? C'est ça que le film interroge.»

L'étincelle du projet remonte à quelques années alors que Mme Lanctôt était de passage en France avec son mari. «C'était avant d'amorcer le tournage de Pour l'amour de Dieu, dit-elle. Nous regardions un reportage à la télévision. Il y avait un sans-abri qui racontait qu'un jour, une jeune femme s'était approchée de lui et lui avait offert d'aller habiter chez elle. Il n'en était pas revenu.»

Très rapidement, des interrogations ont jailli. «Est-ce que j'aurais fait pareil? En serais-je capable? Et qui fait cela? Qui était cette jeune femme dans le reportage et qu'est-ce qui l'avait amenée à faire ce geste? Évidemment, je n'avais pas de réponse. Alors je me suis tournée vers la fiction. Je me suis inventé une histoire avec des personnages», expose la cinéaste.

Éloi et Lucie

Le thème a déjà été exploré. Mme Lanctôt évoque par exemple Le gamin au vélo, des frères Dardenne. À travers des personnages très forts, elle propose sa propre vision. Tout le film sera centré autour d'Éloi, le sans-abri, et de Lucie, la jeune femme qui le recueille. Deux personnages fascinants.

D'Éloi, ainsi nommé parce qu'il met les choses à l'envers - «Ou les remet à l'endroit selon le point de vue où l'on se place», remarque la cinéaste - on retient l'image d'un homme brisé. «Il a tout perdu et a sombré dans la détestation de lui-même, dit Mme Lanctôt. Il avait une ambition qui a mal tourné et se démolit parce qu'il n'a pas réussi.»

Lucie a quant à elle tourné le dos à toute forme d'ambition. «C'est une personne un peu dépassée par les événements, explique la cinéaste. La vie va vite et elle est exigeante. Lucie, qui est lente et contemplative, a de la difficulté à prendre pied là-dedans. Elle s'est résignée à vivre comme ça lui convient.

- Simplicité volontaire?

- Oui, mais poussée à l'extrême», répond Mme Lanctôt.

Le scénario a été écrit avec le cinéaste et scénariste Hubert-Yves Rose, ce qui a permis d'accélérer les choses. «Nous avions déjà collaboré à plusieurs reprises. On a toujours bien fonctionné professionnellement. On a un regard similaire en ce qui concerne le cinéma», dit la cinéaste.

La distribution reste à faire, mais la réalisatrice jongle déjà avec quelques noms. Chose certaine, dit-elle, le tournage aura lieu dans Centre-Sud. «J'ai un pied-à-terre dans ce quartier que je trouve extrêmement vivant. C'est sans doute le quartier le plus hétéroclite de Montréal, avec une vraie faune et une vie urbaines.»

Et, oui, c'est un quartier qui compte de nombreux sans-abri. «Depuis que j'ai commencé à travailler sur ce projet-là, j'ai beaucoup de difficulté à ne pas donner une piasse à un itinérant», dit Mme Lanctôt.