Tourné à l'été 2011, le film Omertà de Luc Dionne est en postproduction depuis plusieurs mois. À quelques semaines de sa sortie, le travail va bon train pour terminer le montage sonore. La Presse a visité les artisans en studio.

Assise à un mètre derrière la grande console sonore dans un studio de la boîte Vision Globale, la productrice Denise Robert est un brin inquiète.

En visionnant une des scènes intenses du film Omertà de Luc Dionne, la dirigeante de la maison Cinémaginaire estime que le bruit de fond sourd, l'espèce de «ôôôm» qui procure un climat d'orage sur le point d'éclater, est beaucoup trop discret.

«On ne l'entend pas. J'ai peur que ça ne passe pas dans les salles analogiques, dit-elle. C'est ce qui est arrivé avec Dérapages [documentaire de Paul Arcand]. Il faut ajuster le son en conséquence.»

Luc Dionne défend un autre point de vue. Il craint qu'en augmentant la dose, on provoque des distorsions. Le mixeur Louis Gignac propose de continuer le travail et d'augmenter légèrement le son au moment de l'impression de la première copie du film. Son assistant Hans Laitres repasse la bande du film en incluant un faux bruit de fond de la salle (gens qui toussent ou qui bougent).

Denise Robert n'est toujours pas satisfaite. «On ne pourra pas entendre le résultat final et se réajuster si tu imprimes d'abord la copie.» Luc Dionne finit par accéder à la demande de la productrice et propose de retravailler les «ôôôm», aussi appelés drones, à la pièce. «Mais je ne veux pas de bruits n'appartenant pas au film», avertit-il.

La troisième dimension

La discussion est sérieuse, mais professionnelle. C'est le lot de la postproduction. Dans cette étape qui dure plusieurs mois, les images d'un film sont revues une par une, scrutées à la loupe et calibrées, que ce soit dans l'étalonnage (coloration), les effets spéciaux, les incrustations ou le son.

Pour le son, par exemple, le montage doit transposer les bruits enregistrés sur 200 pistes à une seule. Sur celle-ci, on laissera de l'espace afin d'inclure les voix des personnages, ce qui rend plus facile le doublage si le film est vendu ailleurs dans le monde.

«Le son est la troisième dimension d'un film. C'est ce qui lui donne de l'ampleur, de la texture», dit Mme Robert.

«Tout doit être pris en compte, ajoute la conceptrice sonore, Marie-Claude Gagné. Par exemple, dans une scène de Jurassic Park, les feuilles bougent et on entend leur bruissement lorsqu'un dinosaure s'approche. Le bruit constitue alors un important élément de peur.»

Avec une ambiance

Au cours de la visite, La Presse a eu la chance de voir - et d'entendre - une plage de 25 minutes du film. Sans rien révéler, on peut souligner que le long métrage de Dionne nous plonge dans une profonde tension. Ça bouge, ça brasse, les mots sont durs, plusieurs scènes ne font pas dans la dentelle. Le tout est gorgé d'une musique de Michel Cusson menaçante comme celle de tambours de guerre.

«C'est un film avec une ambiance. Alors, il y a beaucoup de choix à faire avec les sons», dit Mme Robert dont le téléphone ne cesse de sonner. Et quand il ne sonne pas, elle vérifie ses courriels sur son iPad. Car pendant que nous sommes plongés en plein montage sonore, d'autres techniciens du film s'affairent à retravailler les images dans un autre studio. «Je reçois les images avec les incrustations. Je peux donc les vérifier ici. Tout se fait plus facilement», dit la productrice en souriant.

Un exemple d'incrustation? Sur un plan du film, on aperçoit un écran plat d'ordinateur. Au tournage, l'écran est fermé, mais au cinéma, on y verra une image. Cette image aura été «incrustée».

Pendant que nous discutons avec Mme Robert, Luc Dionne repère quelque chose qui l'agace dans une scène. Un personnage s'avance derrière un autre. Surprise et apeurée, la seconde personne se retourne brusquement. «Tu m'as fait peur», dit-elle au premier personnage.

«Le second personnage n'entend pas les pas qui s'en viennent, mais le spectateur les distingue très bien. Ça n'a pas de sens, dit M. Dionne. Il faut réduire l'intensité.»

Le montage sonore, qui dure quatre semaines, est précédé de deux mois de mixage. «On achève», dit le réalisateur, très satisfait du résultat.

Omertà sera présenté en première médiatique le 17 juin et sortira en salle le 11 juillet.