On a beaucoup vu Isabelle Blais à la télé ces dernières années, mais beaucoup moins au cinéma. Elle fait un remarquable retour dans Tadoussac, du réalisateur et comédien Martin Laroche. Dans ce film qui suit la quête de la jeune Chloé (Camille Mongeau), venue jusqu'à Tadoussac pour remplir les trous de son histoire personnelle, Isabelle Blais incarne Myriam, femme blessée qui cache son jeu derrière une attitude débonnaire.

Tadoussac parle de maternité, et même d'instinct maternel. C'est ce qui vous a intéressée dans le scénario ?

Ce n'est pas tant la thématique que les personnages comme tels. Dans la fiction, les personnages féminins sont souvent tributaires des autres. Elles sont la blonde de, la mère de, l'employée de, mais là, il n'y a pas tant de rapports aux hommes, et c'est rare. Le scénario est bien construit, mais surtout, je trouvais que Myriam était un défi à jouer au niveau émotif. J'en avais presque peur. Surtout la scène finale, qui est très longue et qui fait la particularité du film. Je me disais : comment je vais faire ça ? Comment je vais trouver le ton juste ?

C'est en effet une scène très longue et très bouleversante. On vous voit seule, de profil, au téléphone... Comment êtes-vous arrivée à la jouer dans ce contexte ?

C'est une conversation au téléphone, mais avec Camille, on a été là l'une pour l'autre dans chacun des lieux. Donc dans mon segment, elle me donnait la réplique et ç'a beaucoup aidé. En étant isolée, ça fait aussi que tu es capable de plonger plus intérieurement dans ton affaire. Ça crée une petite bulle d'intimité qui permet de se laisser davantage aller. Martin voulait ça, car si Myriam avait été face à Chloé elle n'aurait pas pu livrer autant sous son regard. On a beaucoup répété cette scène, puis on l'a tournée en continuité plusieurs fois. C'était vraiment de longues prises, mais ça permettait d'aller plus loin dans l'émotion. À la fin, le défi était même de retenir l'énergie.

Est-ce que Myriam a remué la maman en vous ?

J'ai un garçon et je suis très maternelle ; j'aime mon rôle de mère. Myriam n'a rien de ça. Elle n'a pas de fibre maternelle. Je l'ai donc vraiment prise comme quelqu'un de différent de moi et je ne l'ai pas jugée. Elle a l'air de tout prendre à la légère, mais elle cache une grande douleur qu'elle ne veut surtout pas déterrer. J'ai essayé de la comprendre... même si c'est difficile à comprendre.

Vous saviez que ce serait un film naturaliste, sans musique, sans maquillage, avec presque juste des éclairages naturels ?

Quand ça s'est confirmé qu'il n'y aurait pas de CCM [équipe chargée des département de costumes, de coiffure et du maquillage], on m'a demandé si j'avais un problème avec ça et j'ai dit non. Je me suis dit que j'allais m'arranger moi-même : c'est ça, le deal, Myriam est une fille naturelle. Ce n'est pas toujours facile de se voir aussi dépouillée, mais ça servait le propos.

Dans la série Faits divers, vous étiez aussi plutôt au naturel, avec des vêtements assez informes. Ça ne vous gênait pas ?

Souvent, dans les séries, les policières ont un petit look BCBG. J'ai aimé le côté anti-glamour de ce personnage. C'est plus proche de la vie. Dans Faits divers, j'ai quand même été maquillée, ça m'améliorait un peu, mais tout l'art était que ça ne paraisse pas !

On vous a vue beaucoup depuis quelques années, autant sur la scène du TNM qu'à la télé dans Faits divers, mais aussi dans Au secours de Béatrice, dans Blue Moon...

C'est circonstanciel, j'en profite et je l'apprécie. D'ailleurs, tout est terminé pour l'instant, car le retour de Faits divers n'est pas confirmé. Alors, en ce moment, je me concentre sur l'écriture, la musique, les compos, et je m'en vais en studio.

Quand vous regardez la jeune Camille Mongeau, qui partage l'affiche avec vous dans Tadoussac, est-ce que vous vous voyez en elle ?

Je m'identifie à elle. Elle est introvertie, modeste. Elle a l'air timide et réservée, et c'est un trait de personnalité que j'ai aussi. Je n'ai pas besoin d'attirer l'attention, au contraire ! Dans la vie, je ne fais pas d'éclats, mais sur scène, c'est autre chose... Camille a reçu un prix d'interprétation au Festival du film francophone de Namur et il est très mérité. Elle est merveilleuse. Et ce genre de prix, c'est bon pour le film, ça va lui donner de la visibilité.

Vous êtes fière du résultat ?

Je suis agréablement surprise. Tadoussac a été tourné en 15 jours, avec des moyens limités et une petite équipe. Je suis contente qu'il ait trouvé son chemin jusqu'aux salles de cinéma, et qu'il puisse atteindre son public.

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Tadoussac sera à l'affiche le 1er décembre.

photo fournie par Les Films de l’autre

Camille Mongeau dans Tadoussac, de Martin Laroche