Vétéran du cinéma d'animation français, lauréat il y a presque 40 ans de la Palme d'or du court métrage au Festival de Cannes grâce à La traversée de l'Atlantique, Jean-François Laguionie propose aujourd'hui Louise en hiver, un conte relatant les aventures d'une vieille dame «oubliée» à la fin de l'été dans la petite station balnéaire de Biligen-sur-Mer.

Votre film est coproduit par la société québécoise L'Unité centrale, dirigée par Galilé Marion-Gauvin. Comment est née cette collaboration?

Il est difficile de trouver la totalité du financement pour un film de ce genre en France. Aussi l'idée de faire appel à des producteurs étrangers s'est imposée très vite. Je tenais surtout à travailler avec des gens avec qui l'on se sent bien. Au fil de ma carrière, j'ai souvent eu l'occasion de me rendre au Québec, notamment à l'Office national du film. J'en garde tellement de bons souvenirs. J'ai d'ailleurs eu l'occasion de revoir plusieurs amis au mois de décembre, car j'ai été invité aux Sommets du cinéma d'animation. Nous avons vécu une soirée formidable à la Cinémathèque québécoise. Une bonne partie de Louise en hiver a été faite chez vous, notamment les séquences de la plage, les séquences de rêve aussi.

Après Le tableau, réalisé il y a six ans, vous vous êtes lancé dans le projet de Louise en hiver. Quel en est le point de départ?

J'écris beaucoup. Des nouvelles, de la poésie parfois. J'ai écrit l'histoire de Louise en hiver il y a très longtemps, sans avoir l'intention de la porter à l'écran un jour. Elle est d'ailleurs restée dans un tiroir pendant 25 ans. L'âge étant maintenant venu, l'histoire de cette petite vieille qui rate son train et se retrouve toute seule à passer l'hiver dans une station balnéaire déserte m'est revenue à l'esprit. J'ai pensé qu'il était peut-être temps de commencer à m'y attaquer.

Cette histoire est un peu surréaliste, mais elle vous permet d'aborder des thèmes intimement liés à la vieillesse, aux souvenirs, à la vie qui passe...

J'écris beaucoup de choses sur la solitude, habituellement pour des raisons philosophico-politiques, je dirais. Comme pour placer l'individu face à la société. Cela apparaît un peu dans Louise en hiver, mais là n'est pas vraiment le thème du film. Mon approche, cette fois, est beaucoup plus intime. J'ai mis dans cette histoire mes propres souvenirs d'enfance et je les ai attribués à Louise.

Dans la version française de votre film, l'actrice Dominique Frot prête sa voix à Louise. Dans la version anglaise, France Castel reprend le rôle. Comment ces choix ont-ils été faits?

Je ne connaissais pas Dominique Frot, mais quand j'ai entendu sa voix, très particulière, j'ai eu un choc. Je me suis même aperçu que j'étais en train de faire une erreur. J'étais parti dans une direction différente, avec une femme très fragile, même dans le dessin. Or, ce personnage est très résistant. Louise est une bagarreuse. Elle prend cette aventure comme une espèce de pari. Dominique Frot a apporté cette dimension-là en donnant du poids au personnage. Pour la version anglaise, le producteur québécois m'a fait écouter plusieurs voix. Celle de France, que je ne connaissais pas non plus, était formidable, même si elle est un petit peu moins étrange que celle de Dominique. Mais je n'ai pas vu la version anglaise encore.

Votre cinéma d'animation vise un public plus adulte. Est-il plus difficile de s'imposer quand on ne s'adresse pas obligatoirement à un public familial?

À cause des films de Disney, le cinéma d'animation a pendant très longtemps été associé uniquement à du divertissement destiné aux enfants. Il a fallu y mettre beaucoup de temps, mais je crois que le public a évolué. Ce qu'on fait, moi comme d'autres, modestement, relève de l'art et a droit à sa place. Les oeuvres durent. On peut, par exemple, voir aujourd'hui Le roi et l'oiseau, réalisé par l'un de mes maîtres Paul Grimault, comme s'il venait d'être fait. Cette notion intemporelle est plutôt réconfortante. 

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Louise en hiver prendra l'affiche le 3 février. Les frais de voyage ont été payés par Unifrance.

Photo fournie par Unifrance

«J'ai écrit l'histoire de Louise en hiver il y a très longtemps, sans avoir l'intention de la porter à l'écran un jour. [...] L'âge étant maintenant venu, l'histoire de cette petite vieille qui rate son train et se retrouve toute seule à passer l'hiver dans une station balnéaire déserte m'est revenue à l'esprit», confie le cinéaste Jean-François Laguionie