Dans son plus récent film, Le chant des étoiles, Nadine Beaudet tourne sa caméra vers son oncle Gilles, astrophysicien retraité de l'Université de Montréal. En marge de l'aspect scientifique du métier, elle explore toute l'humanité, le rapport au temps et à l'espace qui étreint l'âme de cet homme. Nous discutons avec elle de cette oeuvre dotée d'une puissante charge philosophique.

Quelle est l'origine de votre projet?

Gilles est un astrophysicien jovial. Il possède une vision du monde unique qui m'a toujours fascinée. Il a la tête dans les étoiles et les deux pieds sur une terre d'appartenance qui prend naissance dans ses racines agricoles. Grâce à lui, j'ai découvert l'Observatoire du Mont-Mégantic et j'ai eu ce grand coup de coeur pour l'Univers. J'avais envie d'en savoir plus, pour trouver un sens, mieux comprendre la place que nous occupons dans cette immensité.

Le rapport au temps traverse tout le film. Pourquoi?

Notre passage sur Terre est éphémère si on le compare à la vie d'une étoile qui se compte en milliards d'années. Mais la vie humaine porte une grandeur qui est d'un autre ordre. Nous pouvons aimer, donner naissance, apprendre à jouer de la musique, rire et rêver. L'astronomie est en quelque sorte l'archéologie, «la mémoire» du ciel. Il y a un décalage entre notre temps à nous et celui de l'univers, mais nous vivons dans le même espace. Ainsi, le rapport au temps de Gilles et de son épouse Margo s'inscrit dans un présent tout en étant doté d'une force tranquille, le «pour toujours» qui est un sentiment d'éternité.

Qui sont, en vos mots, les astronomes?

Les astronomes et les astrophysiciens que j'ai rencontrés sont souvent des poètes, des amoureux de la musique et de la nature. Ils s'émerveillent du cosmos, mais tout autant des faits et gestes de leurs enfants, de leurs petits-enfants, des fleurs ou de leur jardin. Ils font le constat qu'un des plus grands miracles de l'Univers est qu'il existe de la vie sur Terre et que l'homme est le seul à avoir la capacité à aimer et à se questionner sur le sens de sa propre existence.

Croyez-vous que les préoccupations existentielles des astronomes actuels sont les mêmes que celles de Galilée, Copernic, Kepler et autres?

À leur époque, les découvertes de ces scientifiques furent grandioses et ont remis en question notre conception du monde. Je crois qu'aujourd'hui, la recherche fondamentale et les récentes technologies permettent d'avancer à grands pas et d'être beaucoup plus précis. Mais les chercheurs possèdent cette même fascination pour le ciel qui traverse le temps, nous permettant de nous repositionner à notre tour.

Qu'ont en commun les immigrants de l'Abitibi de votre film précédent, les astrophysiciens et les géologues qui constituent le sujet de votre prochain documentaire?

Je m'intéresse aux rapports qu'entretiennent les gens avec leurs univers réel et rêvé. Mes films et leurs personnages ont tous en commun d'être bien enracinés dans un territoire, mais ils sont aussi portés par une quête identitaire, existentielle. Que ce soit l'appartenance à un pays d'origine, la capacité à s'adapter à une nouvelle région, le mystère du Soleil qui brille toujours après 4,5 milliards d'années ou encore notre Terre elle-même, planète formée de roches millénaires... tout est lié.

Pourquoi le choix de la chanson La Terre est si belle en ouverture?

Lorsque, au montage, nous avons mis ensemble cette scène du mont Mégantic au lever du jour et ce chant interprété par les enfants de la Manécanterie Harmonia Mundi, dirigée par Margo, nous avons senti qu'il se passait quelque chose. Dans notre monde où tous les drames se jouent, ce chant devenait une ode à la beauté de notre planète et à la nécessité de s'émerveiller. Nous sommes composés des mêmes éléments qui se trouvent dans l'espace. Nous sommes en quelque sorte les enfants des étoiles. Les étoiles sont partout, même sur la Terre.

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À la Cinémathèque québécoise, les 19, 20 et 21 août.

Photo Christian Mathieu Fournier, fournie par Les Films du 3 mars

Nadine Beaudet, réalisatrice du film Le chant des étoiles