Leur contribution au septième art est indispensable, et pourtant, la nature de leur métier représente un mystère aux yeux du grand public. Ils sont les travailleurs de l'ombre de l'industrie du cinéma. La Presse vous invite à découvrir quatre des personnalités anonymes qui garnissent les génériques des films québécois et d'ailleurs.

La caméra est le principal outil du cinéaste dans l'imaginaire collectif. Pourtant, rares sont les réalisateurs qui la manipulent. Cette tâche incombe au cadreur. Ce dernier ne peut faire le boulot tout seul, cependant: il doit travailler en tandem avec le «premier assistant opérateur» - ou premier assistant caméra -, un métier de l'ombre pourtant fondamental sur un plateau de tournage.

Maxime Gagnon pratique la profession depuis bientôt deux décennies. Il a eu la «piqûre» en étudiant la production cinématographique à l'Université Concordia. «J'ai fait un court métrage comme assistant. À ce moment-là, on ne savait pas trop ce que ça représentait. Je n'avais pas de cours assez techniques pour aller jusque-là. Concordia forme des réalisateurs ou des scénaristes. Fallait que tu te démerdes un petit peu plus si tu faisais de la technique.» Le jeune homme n'a pas terminé le programme. «On n'apprend pas à faire du cinéma sur les bancs d'école», croit-il.

Le premier assistant opérateur commence sa journée en assemblant les diverses pièces détachées d'une caméra, choisit les objectifs et les filtres nécessaires pour la scène à venir. «En fin de compte, ça a l'air d'un sapin de Noël, explique Maxime Gagnon. Une fois qu'on tourne, notre travail principal, c'est de garder le foyer sur le comédien. C'est de l'évaluation de distance. Il faut toujours s'ajuster pour garder la bonne mise au point.» En anglais, le métier est couramment surnommé focus puller.

La percée professionnelle de Maxime Gagnon est survenue en 1998 sur le plateau d'un curieux long métrage québécois, Winter Lily, destiné au marché japonais. C'est son oncle, le producteur Claude Gagnon, qui lui a donné sa chance, à lui, et à «une gang de petits jeunes qui sortaient de l'école». Le même oncle qui l'a invité, à l'âge de 6 ans, sur son premier plateau de tournage, où il se rappelle avoir été «énormément impressionné» par la caméra et tous les outils qui l'entouraient.

Exercer le métier de premier assistant opérateur est idéal pour des gens qui ne sont pas faits pour le travail de bureau. Mais ce désir de liberté amène un stress considérable. Maxime Gagnon se rappelle ses premières années dans le métier, avant qu'il ne fasse ses preuves.

«À ce moment-là, je faisais beaucoup de pubs, une centaine par année. Je faisais souvent des journées de 23-24 heures. T'es pigiste, donc tu ne veux pas trop en refuser... Avoir à peine le temps de prendre sa douche entre deux plateaux, on l'a tous fait.»

Malgré le fait qu'il baigne dans un environnement hautement créatif, Maxime Gagnon considère avec prudence sa contribution artistique réelle. «Que je décide de passer le foyer à l'arrière pour une raison X, Y ou Z, le commun des mortels ne remarque pas ça. Il va voir le sang d'un impact de balle, ou d'une explosion, et c'est tout à fait normal.» Il reconnaît cependant que son dialogue avec le réalisateur a une influence concrète sur le produit fini. «Moi, un artiste? Je ne sais pas si j'irais jusque-là, mais j'ai un impact sur le langage cinématographique, ça, c'est sûr.»

Films notables 

Continental, un film sans fusil (2007) de Stéphane Lafleur

Tout est parfait (2008) d'Yves-Christian Fournier

Curling (2010) de Denis Côté

Upside Down (2012) de Juan Solanas

Bad Santa 2 (2016) de Mark Waters