Dans le film de Philippe Falardeau The Bleeder, Liev Schreiber se glisse dans la peau de Chuck Wepner, ce boxeur qui, en 1975, a fait sa marque en résistant à Muhammad Ali pendant 15 rounds.

La caméra ne roule pas encore. S'il ne fait pas quelques pompes, Liev Schreiber s'exerce à la corde à danser ou fait des mouvements d'entraînement. Quand Philippe Falardeau dira «Action», l'acteur sera déjà un peu en sueur pour tourner la scène où Chuck Wepner vient rencontrer les journalistes après une séance d'entraînement. Les questions que lui lancent les scribes indiquent bien à quel point le boxeur n'est pas du tout pris au sérieux. À vrai dire, l'ensemble de la presse s'attend à ce que Muhammad Ali n'en fasse qu'une bouchée.

Rencontré tout de suite après le tournage de la scène, alors qu'il est en train de dérouler les rubans qui protégeaient ses mains, Liev Schreiber explique avoir été fasciné par l'histoire de Chuck Wepner.

«J'ai évidemment vu le film que lui a consacré ESPN il y a quelques années, indique-t-il. Mais au-delà de son histoire, je crois que mon intérêt était surtout stimulé à l'idée de participer à un film qui parle de célébrité. On prend une personne "ordinaire" et on en fait une vedette. Nous sommes d'ailleurs immergés dans cette culture aujourd'hui. Ce film porte un regard sur les effets de la célébrité sur les individus et sur la société en général.»

Un grand défi

Pour l'acteur, qu'on peut notamment voir en ce moment dans l'excellent film Spotlight, le défi est de taille. En plus d'être de tous les plans, son personnage est inspiré d'une personne réelle. Le «vrai» Chuck Wepner vient même visiter le plateau régulièrement.

«Il est certain qu'en tant qu'acteur, ça peut parfois être intimidant, fait remarquer l'interprète du rôle-titre de la série télévisée Ray Donovan. Surtout quand il est là et qu'il me regarde jouer. Mais je crois que Chuck comprend très bien le but de ce film. The Bleeder n'est pas un documentaire et mon rôle n'est pas de faire une imitation non plus. On utilise plutôt son histoire pour en raconter une autre. Mais d'entendre les anecdotes incroyables de Chuck est déjà une inspiration formidable. Je n'aurais jamais pu les écrire! Chaque fois qu'il a une histoire à nous raconter, on essaie de l'incorporer dans la mesure du possible.»

Très impliqué dans le projet, Liev Schreiber n'hésite d'ailleurs pas à mettre la main à la pâte sur le plan de l'écriture. Il agit aussi à titre de producteur. C'est d'ailleurs à lui que Philippe Falardeau doit son embauche.

«La seule chose que j'ai faite de bien sur ce projet jusqu'à maintenant est d'avoir choisi Philippe! lance-t-il. Au départ, beaucoup voyaient en ce projet un film de boxe. Cet aspect existe dans le film, bien sûr, mais pas seulement. Il y a quelque chose de beaucoup plus subtil en filigrane. C'est comme une bataille existentielle d'un individu entre lui-même et la perception de lui-même qu'il souhaite projeter aux autres. Ça, Philippe l'a très bien vu. C'est un cinéaste incroyablement intelligent et sensible. Son style est aussi très évocateur. Quand tu commences à penser à qui réalisera le film, tu recherches un cinéaste capable de prendre un scénario, de le rendre vivant et de lui donner du coeur. C'est exactement ce que Philippe a fait.»

La carte professionnelle, qu'il vous offrira d'emblée, ne laisse planer aucun doute: «Inspiration for Rocky Movies», peut-on lire. Cela dit, Sylvester Stallone n'a jamais reconnu «officiellement» l'inspiration. Aujourd'hui âgé de 76 ans, Chuck Wepner est évidemment ravi qu'un épisode de sa vie - plutôt tumultueuse - soit porté au grand écran. Quand il arrive sur le plateau, le grand gaillard salue d'ailleurs Philippe Falardeau avec des embrassades et de grands gestes d'affection.

«J'adore Philippe, dira-t-il plus tard à La Presse. Je l'ai rencontré il y a six mois à peine, mais je le considère comme mon fils. C'est vraiment un sweetheart

La production lui a fait parvenir le scénario de The Bleeder - son surnom de boxeur - et l'a invité à agir à titre de consultant.

«J'ai fait changer quelques petites choses, mais rien de fondamental», indique-t-il.

Chuck Wepner aime visiter le plateau. Au moment de cette rencontre, il avait déjà gratifié l'équipe de sa présence au moins six ou sept fois.

«J'aime ce que je vois, dit-il. Je crois que ce qu'ils font est très bien, qu'ils s'y prennent de la bonne façon. Et je suis très heureux que Liev Schreiber tienne mon rôle et que Naomi Watts incarne l'une de mes femmes. Ils m'ont d'ailleurs invité chez eux quelques fois. Quand vous avez des acteurs de haut calibre comme ça pour raconter votre histoire, c'est tout simplement merveilleux!»