Allemagne, 1958. Le pays se relève de la guerre dont chacun préfère oublier les stigmates. Mais un jour, un journaliste et un jeune procureur du ministère public décident de conjuguer leurs efforts pour amener devant la cour d'anciens nazis complices des meurtres de masse commis au camp d'Auschwitz. Leurs efforts se heurtent à beaucoup de réticence.

Avec la matière si riche qu'il avait entre les mains, le réalisateur Giulio Ricciarelli aurait pu se tourner vers le documentaire. Après tout, il s'agit d'une histoire vraie!

Mais il avait une autre façon de voir les choses. Il voulait proposer aux spectateurs un voyage intérieur. Un voyage qui allait à la fois les divertir, les émouvoir et les faire réfléchir.

Sorti l'an dernier au Festival de Toronto (TIFF), son film, Labyrinth of Lies, a été sélectionné pour représenter l'Allemagne dans la prochaine course à l'Oscar du meilleur film étranger.

La Presse s'est entretenue avec M. Ricciarelli.

Quel était votre but premier en faisant ce film?

Lorsque j'ai été mis au courant de toute cette histoire en lisant un article dans un magazine, je n'en croyais pas mes yeux. Je me disais: il faut en parler. Il faut parler, en Allemagne comme ailleurs, du passé que personne n'évoque, mais qui existe. On connaît en détail ce qui s'est passé au procès de Nuremberg ou au procès d'Adolf Eichmann en Israël. Mais cette histoire de criminels nazis condamnés en Allemagne, on la connaît beaucoup moins.

Pourquoi avoir choisi la fiction au lieu du documentaire?

Nous nous sommes collés à la réalité historique pour beaucoup d'éléments du film, que ce soit la découverte de la liste des criminels nazis, des chambres à gaz, du travail du journaliste Thomas Gnielka, etc. Mais pour que les gens ressentent davantage ce qui s'est passé, nous avons ajouté des éléments dramatiques dans l'histoire du procureur (Johann Radmann). Si j'avais seulement voulu faire appel au côté intellectuel des gens, j'aurais fait un documentaire ou écrit un livre.

Votre film évoque le silence de l'Occident face aux anciens nazis. Pourquoi ce silence?

Bien vite après la guerre, les Américains ont compris que l'ennemi était maintenant l'URSS. À ceux qui voulaient faire de l'Allemagne une nation agricole, exempte de toute industrialisation, les Américains ont dit non. Ils voulaient une Allemagne forte pour se dresser devant l'URSS. Cette attitude pragmatique, le chancelier Konrad Adenauer l'a lui-même prônée.

Comment expliquer ce silence des Allemands face à l'évidence?

D'abord, tous ceux qui étaient impliqués, et ils étaient nombreux, avaient intérêt à rester muets! En plus, il y a le déni. Nous, êtres humains, sommes doués pour le déni. Et n'oublions pas le contexte. Toute cette histoire s'est déroulée dans une Allemagne en pleine reconstruction. Cela rend encore plus remarquable le travail de Radmann, de Gnielka et des gens de leur entourage.

Que nous enseigne votre film?

Que nous devons rester vigilants à chaque instant. La démocratie et la justice sont des valeurs incroyables, mais fragiles. Or, ce sont avant tout les individus qui défendent de telles valeurs. Bien sûr, les grandes entreprises ont une emprise très forte sur la société, mais celle-ci se développe tout de même à travers les actes d'individus. Regardez des gens comme Rosa Parks, Gandhi ou Nelson Mandela. L'histoire s'écrit beaucoup à travers des individus qui, un jour, se sont levés et ont dit: non!

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Labyrinth of Lies (Le labyrinthe du silence) prend l'affiche le 16 octobre, en version originale avec sous-titres en anglais et en français.