Dans un long métrage qu'elle qualifie elle-même d'essai cinématographique, Diane Poitras fait s'exprimer la nuit québécoise à travers 27 fragments de vie. En entrevue, la cinéaste explique l'essence comme les influences de son travail.

Comme la plupart d'entre nous, Diane Poitras n'est pas, ou n'est plus, un oiseau de nuit. Elle n'en éprouve pas moins de l'attirance pour cette période si singulière de nos journées !

D'autant plus, dit-elle, que la nuit s'est transformée au rythme des changements de la société, des technologies, des mouvements urbains, etc. Elle n'est donc pas que la résultante, mais le miroir de ces transformations.

« J'ai voulu voir comment on vit la nuit, dit-elle. De plus en plus, nos nuits sont habitées comme le jour. Elles sont beaucoup plus actives qu'il y a 30, 40 ou 50 ans. Des études montrent d'ailleurs que nous dormons 90 minutes de moins que nos ancêtres, il y a 100 ans. L'apport des technologies et le prolongement des heures de commerce ont entre autres contribué à cette érosion. »

S'il y a une chose qui n'a pas changé, c'est sans doute cet aspect mystique, étrange, euphorique ou encore légèrement anxiogène que charrie l'arrivée de la noirceur.

« J'ai le sentiment que notre rapport à la nuit est davantage de l'ordre des sensations, de l'intuition que de la raison. Un artiste m'a confié avoir le sentiment que la nuit, le temps est plus long et ne s'écoule pas de la même façon. Il bénéficie de longues plages de temps pour travailler », dit Diane Poitras.

Mais à cela, il y a un revers. Chez plusieurs, le niveau d'anxiété augmente, l'angoisse devient palpable. La nuit, lorsqu'elle se prolonge, exacerbe le degré de fatigue, d'irritabilité, etc.

Tous ces états nocturnes, Mme Poitras a voulu les filmer, ou plutôt les laisser vivre à travers 27 histoires différentes captées au fil des mois dans les rues de Montréal et un peu à l'extérieur. Empruntant un peu au style choral, elle met nos pas dans ceux de la prostituée, du camionneur, du chauffeur de taxi, du bénévole spécialiste en situation de crise, du boulanger, de l'étudiant contestataire, de l'adolescent à vélo, du lecteur insomniaque...

Il y a peu de paroles. Les images parlent d'elles-mêmes.

LA DÉCOUVERTE...

C'est aussi l'exploration et la découverte qui ont incité la cinéaste à réaliser ce film.

« Ce sujet me permettait une autre forme d'exploration cinématographique, dit-elle. Cela me donnait la possibilité d'essayer de nouvelles choses comme de filmer en noir et blanc. J'ai utilisé ce format parce que je voulais m'éloigner de quelque chose de trop réaliste. J'avais envie de vivre un autre rapport aux images. »

La nuit est-elle en mouvance ? Est-elle différente, change-t-elle d'humeur, selon les heures ? À cette question, Diane Poitras répond un oui on ne peut plus franc.

« Le début de la nuit, surtout durant l'été, appartient à une faune plus familiale, bon enfant. Il y a les spectacles du centre-ville, les feux d'artifice, etc. Puis, de minuit jusqu'à 3 h, il y a cette espèce d'heure de pointe. On sort dans les bars. Les rues s'animent. La circulation est assez dense. Entre 4 h et 6 h, c'est le creux. Ce sont d'ailleurs les heures les plus dangereuses, où le corps est fatigué. Notre moral peut être au plus bas, mais il va revenir avec la lumière du jour. Les nuits seront aussi différentes selon les saisons. »

La cinéaste dit être attirée par les films qui se passent la nuit ou les tableaux de grands maîtres suggérant des scènes nocturnes. Ses goûts sont éclectiques. En matière de cinéma, elle cite autant le film Toute une nuit de Chantal Akerman que les films « plus menaçants et déstabilisants » de David Lynch.

Nuits est à l'affiche à l'Excentris.