Tête d'affiche de Schindler's List et de Kinsey, Liam Neeson abordait la mi-cinquantaine quand le réalisateur Pierre Morel, de l'école de Luc Besson, en a fait le héros de Taken. Depuis, le géant irlandais accumule les rôles dans les films d'action.

Au moment où il atteint le même âge, Sean Penn, la vedette de 21 Grams, Milk et autres Mystic River, se retrouve devant la caméra du même Pierre Morel et campe le rôle-titre dans The Gunman, où il incarne Jim Terrier. Un ex-agent des forces spéciales et ex-tueur à gages devenu travailleur humanitaire en République démocratique du Congo, dont le passé remonte à la surface. Il est en effet la cible de son ancien employeur. Lui, et des personnes qui lui sont chères.

Bref, dès que s'est amorcée la tournée promotionnelle de ce long métrage qui carbure à la testostérone - comme le laisse deviner une distribution qui compte aussi sur les Javier Bardem, Ray Winston et Idris Elba -, les comparaisons avec le parcours de Liam Neeson se sont multipliées. Les médias spécialisés ont décliné le «Sean Penn sur les traces de Liam Neeson» sur tous les tons.

Qu'en pense le principal intéressé? «Vous faites référence à ces films que j'appelle "de gériaction"? Je n'ai jamais pensé à ça comme à une nouvelle tendance. Après tout, Harrison Ford a fait une carrière avec ça», a laissé tomber l'acteur lors d'une conférence de presse tenue à Los Angeles.

D'accord. Sauf que Ford avait 35 ans quand il a pris les commandes du Millenium Falcon dans Star Wars, même pas 40 quand il a coiffé le Fedora d'Indiana Jones et pas beaucoup plus quand il a chassé les «replicants» dans Blade Runner. Son parcours le menait naturellement à être, la cinquantaine venue, espion de haut vol dans Patriot Games et président/sauveteur dans Air Force One.

Neeson et Penn, même combat?

Mais passons. Sean Penn, revenant à Liam Neeson, dit ne pas vraiment voir de ressemblance entre les récents films d'action de ce dernier et The Gunman: «Ce long métrage est intéressant parce qu'il suit un homme très tourmenté qui tue des gens extrêmement mauvais pour sauver sa peau. Dans le cas de Liam Neeson, vous avez ce géant de 2 m qui se bat pour ses enfants. Je ne vois aucune comparaison.»

Il dit cela avec un brin de mauvaise foi. Il le sait. N'en a pas vraiment cure. Sean Penn, et c'est un bonheur à entendre, ne pratique pas la langue de bois et est connu, ceci expliquant cela, pour ne pas particulièrement apprécier les rencontres avec les médias. Mais il a plusieurs raisons de s'adonner à ce jeu-là pour The Gunman.

D'abord, des raisons professionnelles, puisqu'il est non seulement la vedette du film, mais il en est aussi le coscénariste (il a adapté le roman de Jean-Patrick Manchette avec Peter Travis et Don McPherson) et l'un des producteurs.

Puis, des raisons idéologiques. On sait à quel point l'acteur-militant s'est investi dans des causes humanitaires, entre autres la reconstruction d'Haïti après le séisme de 2010. Or, sous des dehors de film d'action pur et dur, The Gunman critique les actions des grandes entreprises dans les pays en voie de développement.

Ce volet politique est un peu la face cachée d'un long métrage qui, autrement, file à visage découvert et à tombeau ouvert de l'Afrique à Barcelone, de Londres à l'Espagne.

Muscles et acier

Il fallait être en forme pour un tel parcours. Sean Penn l'est (devenu). Il affiche ici des biceps impressionnants et des abdominaux d'acier. «Vous le savez, je n'aime pas parler entraînement et régime», fait-il, sourire amusé aux lèvres. Mais disons que les deux choses ont fait (très) visiblement partie de son quotidien pendant les mois précédant le tournage.

Une fois sur les plateaux plantés à travers la planète, il a joué des muscles dans des combats à mains nues style krav maga et dans des courses à obstacles façon parkour - autant de genres que privilégie Pierre Morel, comme on a pu le voir dans sa première réalisation, Banlieue 13.

Et les armes? Oh, elles abondent entre les mains de Jim Terrier! Comme elles abondaient autrefois sous le toit de Sean Penn: il possédait une soixantaine d'armes à feu, dont il s'est départi à la demande de sa fiancée, Charlize Theron. La collection a ainsi été remise à l'artiste Jeff Koons qui l'a utilisée pour fabriquer une statue. Le journaliste et animateur de CNN Anderson Cooper a payé 1,4 million pour l'oeuvre. Les profits étaient destinés à Haïti.

Mais si Sean Penn renoue vigoureusement avec l'acier et les balles dans The Gunman, il n'a pas envie d'élaborer sur ses vues concernant les armes et la violence. Il assure avoir été, sur le sujet, mal cité à plusieurs reprises. Et il déplore à quel point les médias sont aujourd'hui à l'affût de ce qui va faire vendre, quitte à couper, à modifier. «Une situation, de mémoire, pire qu'elle ne l'a jamais été.» Et d'ajouter: «Vous ne pouvez vous faire une idée de mes positions personnelles sur les armes à partir de ce que vous avez lu. C'est un problème compliqué, qui nécessite une réponse complexe et une conversation plus longue.»

Cette conversation n'était visiblement pas pour ce jour-là, pour cet auditoire-là. Qu'ajouter sinon... respect, M. Penn.

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The Gunman (Le tireur) prend l'affiche le 20 mars.

Les frais de voyage ont été payés par Remstar.