Muse. Visiblement, elle a lu et entendu ce mot souvent lorsqu'on l'associe à Xavier Dolan. Et même si cela lui fait plaisir, elle se garde de se l'approprier, empruntant des canaux plus modestes pour parler de ce qui la lie au réalisateur.

Mais bon. Anne Dorval, la Diane (Die) de Mommy, mérite pleinement cette épithète.

«Ce n'est pas à moi de me qualifier de muse, mais que d'autres le disent me fait tout le temps plaisir», dira-t-elle à la fin d'une entrevue marquée par ses éclats de rire et sa voix chantante. «Xavier a été inspiré par toutes sortes de gens. Il se trouve que j'ai été une de ses premières collaboratrices et la mayonnaise a pogné. Mais je pense que Suzanne [Clément] est aussi sa muse. Xavier m'aime beaucoup et c'est réciproque. Nous avons une relation très importante dans ma vie et je pense que je suis quelqu'un de précieux dans la sienne aussi.»

Marc Labrèche, ami très proche d'Anne Dorval, ajoute: «La rencontre entre Xavier et elle est, pour les deux, une grâce qui est rare. Cette façon qu'a Xavier de la mettre en valeur m'émeut. Nous avons tous le rêve d'avoir une telle rencontre organique, généreuse. Entre Xavier et Anne, il y a quelque chose d'excessivement particulier qui me bouleverse.»

Un tourbillon

Depuis Cannes, la vie d'Anne Dorval est étourdissante. «Je me sens comme sur un nuage, lance-t-elle. Je me pince tous les jours. En même temps, il y a beaucoup de travail derrière ça. Mais il y en a aussi derrière le théâtre, la télévision. On applique la même ardeur, la même rigueur. C'est plutôt le fait que le cinéma voyage mieux à travers le monde.»

Dans ce tourbillon, la réaction des gens est ce qui l'a le plus touchée. Que ce soit des amis, des collègues ou monsieur et madame Tout-le-monde, tous ont exprimé leur fierté. «Les gens sont contents pour nous. C'est ça qui est le plus bouleversant, dit-elle. On recevait des textos, des courriels. En revenant de Cannes, j'avais beaucoup de messages dans ma boîte vocale.»

Le tsunami qui a suivi la sortie du film est loin d'être terminé. On peut sans se tromper prévoir que Mommy fera le plein de nominations au gala des prix Jutra, en mars 2015.

Mais auparavant, le 15 février, Anne Dorval ira à Los Angeles pour les Satellite Awards, où elle est en nomination pour le prix de la meilleure actrice, en compagnie de Julianne Moore, Marion Cotillard, Rosamund Pike, Reese Witherspoon, Felicity Jones et Gugu Mbatha-Raw.

ANNE DORVAL ET MOMMY

Sa scène préférée

La scène de la cuisine, où Diane, Steve et Kyla dansent et chantent sur la pièce On ne change pas de Céline Dion, restera gravée dans la mémoire d'Anne Dorval. «C'était la fin de la première semaine et notre première grosse scène. Nous étions en retard et tout le monde était stressé. Nous voulions être à la hauteur et ne pas décevoir Xavier. Lorsqu'il a dit "Coupez!", il s'est mis à crier, à rire, à sauter au cou et à embrasser tout le monde. Il disait qu'on s'en allait à Cannes. Tout le monde riait et avait les yeux pleins d'eau.»

Ses chansons

«Je ne peux plus entendre la chanson de Céline Dion sans penser à la scène de la cuisine. Je trouve que Deux est le meilleur album de Céline et j'aimais déjà cette chanson. On ne l'entendra jamais assez. Mes enfants, qui ont 15 et 20 ans, me disent que depuis la sortie de Mommy, tous les jeunes ont ça sur leur playlist et qu'on la fait jouer dans les partys. C'est comme à la suite du film Les amours imaginaires, où les gens se sont mis à réécouter des chansons oubliées des années 60. Il y a aussi la chanson de Lana del Rey (Born to Die) qui, lorsque je l'écoute, me fait revoir des images du film, de Cannes, etc. La musique nous relie à des souvenirs précis.»

Son inspiration

«Tout m'inspire tout le temps. Les artistes en général sont inspirés par la vie. On n'arrête jamais d'observer ce qui nous entoure. Moi, je regarde des gens parler. Je regarde les attitudes, les postures. J'observe des gens qui se courbent le dos, réfléchissent, se plissent le front. Mes personnages sont la somme de toutes sortes d'observations que j'ai faites. Je crois que les artistes visuels et les auteurs font de même.

Je ne crois pas que l'on puisse créer autrement.»

Elle et Die

«C'est ma voix, mes pores de peau, mes larmes qui ont coulé, mes rires qui ont explosé. Je pense qu'il y a un million de façons différentes de la jouer. Avec une autre actrice, ç'aurait été autre chose et ç'aurait été très intéressant aussi. Je ne peux pas dire exactement ce qui me ressemble dans le film. Mais bon, je crois que mon coeur est dans ce film-là et on n'a pas besoin de chercher très loin pour savoir qui je suis. Même si Die est très loin de moi...»