Après quelques années de flottement, Reese Witherspoon est de retour à l'avant-scène grâce à plusieurs projets menés de front. Dans le nouveau film de Jean-Marc Vallée, l'actrice délaisse ses oripeaux de star hollywoodienne pour mieux se retrouver en tant qu'actrice.

Elle n'a même pas encore franchi la quarantaine. Pourtant, Reese Witherspoon a déjà dû traverser une crise de nature artistique. Du genre de celle que les acteurs masculins rencontrent habituellement beaucoup plus tard dans leur carrière (pour peu qu'ils aient à en vivre une).

La lauréate de l'Oscar de la meilleure actrice en 2006, grâce à sa performance dans Walk the Line, a en effet eu beaucoup de mal à retrouver la voie du succès depuis son triomphe d'il y a huit ans.

Elle n'hésite d'ailleurs pas à en assumer la responsabilité.

«Il y a eu une époque où j'étais moins stimulée, moins impliquée sur le plan créatif, révélait-elle récemment au cours d'une rencontre de presse tenue à Los Angeles. Il y a trois ans, j'ai pris la décision de mieux prendre ma carrière en main et d'assumer mes choix. À mes yeux, il est important que les films auxquels je participe soient un prolongement de ce je suis en tant qu'être humain. Il y a des histoires importantes à raconter.»

L'actrice a ainsi fondé une société de production dont le mandat est de trouver des rôles féminins forts, des personnages qui, dans la mesure du possible, ne se définissent pas seulement dans le regard des autres. Aussi a-t-elle été enthousiasmée à l'idée de porter à l'écran Wild, le récit autobiographique de Cheryl Strayed.

Pour se reconstruire et trouver réponse à sa quête intérieure, cette jeune femme à la dérive a entrepris en solo une dure randonnée de 1500 km le long du Pacific Crest Trail. En suivant le parcours de cette espèce de Jeremiah Johnson des temps modernes, le film aborde les thèmes fondamentaux de l'existence.

Exprimer l'inexprimable

«Le livre de Cheryl est probablement l'un des plus beaux que j'aie lus dans ma vie, fait remarquer Reese Witherspoon. On y parle de choses importantes - le deuil, la fuite dans la drogue et le sexe, l'autodestruction - auxquelles nous pouvons tous nous identifier d'une manière ou d'une autre. Sa façon de synthétiser les émotions humaines est extraordinaire.

«En lisant son récit, j'avais l'impression que Cheryl parvenait à mettre des mots sur des choses que j'avais envie d'exprimer sans savoir comment. C'est un personnage fabuleux. Elle finit son périple sans rien - pas de maison, pas de mari, pas d'emploi - , et pourtant elle n'a jamais été aussi heureuse! Je crois que, en écrivant ce livre, Cheryl m'a fait sans le savoir le plus beau cadeau de ma vie. Je ne sais par où commencer pour la remercier!»

Lien avec Vallée

Nick Hornby (High Fidelity, An Education) fut chargé de tirer un scénario du bouquin. Une fois écrit, il fut envoyé au cinéaste québécois Jean-Marc Vallée.

«Quand est venu le moment de trouver un réalisateur, on m'a suggéré Jean-Marc, a raconté Reese Witherspoon. J'ai discuté avec lui par Skype et nous avons pleuré ensemble. Le lien s'est établi tout de suite. J'ai senti chez Jean-Marc un véritable enthousiasme. Les autres réalisateurs que nous avions pressentis semblaient avoir quelques craintes. Pas lui.

«Ensemble, nous avons fait le choix de faire un film cru et authentique parce que Cheryl a eu le courage d'exprimer toute sa vérité, sans rien cacher. Nous devions être aussi courageux et honnêtes qu'elle dans notre approche.»

À partir du moment où cette entente fut conclue, Reese Witherspoon n'a eu droit à aucun artifice, ni pendant la préparation du film, ni pendant le tournage.

«Jean-Marc souhaitait que je parte exactement du même point que Cheryl. Je n'ai pas pu me préparer physiquement ni me familiariser avec les accessoires. Il m'a filmée pendant des heures alors que j'essayais seulement de faire mon bagage! Tout ce que vous me voyez faire à l'écran est une première. Quand je crie de joie parce que je viens de réussir quelque chose, c'est parce que c'est vrai!»

Une mise à nu

Pour l'actrice, ce rôle constitue une véritable mise à nu, tant au sens propre qu'au sens figuré. Dans le cinéma américain, il est d'ailleurs plutôt rare qu'une vedette de son rang accepte de se dévoiler ainsi.

«La seule discussion que j'ai eue à propos de la nudité a eu lieu avec Jean-Marc, précise celle qui a aussi joué dans The Good Lie, le film américain de Philippe Falardeau. Je n'en ai pas discuté du tout avec mon agent, ni avec mon mari, ni personne d'autre que Jean-Marc. La veille du tournage, j'ai même appelé mon avocat pour m'assurer que la scène de nudité était bien autorisée dans le contrat. Il m'a dit: «Quoi?» J'ai répondu: «Oui, je fais ça».

«Une partie de la décision découle de ma conversation avec Jean-Marc, poursuit-elle. Mais c'est aussi en voyant Dallas Buyers Club et la scène de nudité qu'elle comporte que mes craintes se sont envolées.

«Dans le film précédent de Jean-Marc, la scène était très crue, mais elle n'avait rien de salace et n'était pas du tout placée là pour émoustiller. Je savais que l'approche serait la même pour Wild. Cette scène est là pour exprimer la profonde tristesse du personnage, sa vulnérabilité. Cheryl se fout d'elle-même, à ce moment-là. C'est comme si elle n'avait plus d'amour-propre.»

Quand un journaliste lui demande si Wild s'adresse davantage à un public féminin, l'actrice fait valoir le caractère universel de cette histoire: «Je trouverais cela vraiment très réducteur. Si un homme avait fait le même cheminement que Cheryl et qu'on portait son histoire à l'écran, personne ne parlerait d'un film de gars. L'apprentissage de soi-même, c'est bon pour tout le monde!»

Wild prend l'affiche le 19 décembre. Les frais de ce voyage ont été payés par Fox Searchlight.