Même s'il ne voulait plus faire un seul film sur la Seconde Guerre mondiale, le réalisateur du Tambour n'a pu résister à l'envie de porter à l'écran une pièce française qui raconte comment Paris a été sauvé de la destruction en 1944.

Il est né dans la région de Francfort, à peine six mois avant que la Seconde Guerre mondiale ne soit déclarée. Dans sa région, fortement bombardée, non loin de la frontière française, le garçonnet a pleinement eu conscience des deux dernières années, sinon plus, du conflit qui a scindé le XXe siècle en deux. Pas étonnant que cette tragédie historique et toutes les histoires personnelles qui y sont rattachées aient coloré le cinéma de Volker Schlöndorff.

«La guerre m'est forcément très familière, confie le vétéran cinéaste au cours d'un entretien téléphonique. D'autant que pour nous, cette guerre ne s'est pas arrêtée en 1945. Au cours des années subséquentes, nous étions toujours dans sa continuation puisque notre pays était occupé. Nous étions alors aussi témoins du conflit entre nos parents et les occupants. Nous, les plus jeunes, étions beaucoup plus intéressés par les occupants américains que par nos parents, cela dit!»

Dès Les désarrois de l'élève Törless, son premier long métrage réalisé en 1966 (prix de la critique au Festival de Cannes) jusqu'à Diplomatie, qui prendra l'affiche au Québec vendredi, les films de Volker Schlöndorff ont souvent évoqué les séquelles de ces années sombres.

«Cela va pourtant à l'encontre de tout ce que j'aurais voulu, fait-il remarquer. J'aurais aimé être un cinéaste contemporain qui ne raconte que des histoires contemporaines. Mais quand je regarde la trentaine de films que j'ai faits, je constate, à mon grand regret, que plus de la moitié sont historiques. On ne peut pas choisir sa date de naissance. Une fois que c'est là, il faut assumer!»

Une rencontre fictive

Les producteurs français de Diplomatie ont naturellement pensé au cinéaste allemand - grand amoureux de Paris - pour porter à l'écran une pièce à succès de Cyril Gely, créée sur scène par Niels Arestrup et André Dussollier.

Campée dans la nuit du 24 au 25 août 1944, l'intrigue évoque une rencontre - fictive - ayant lieu à l'hôtel Meurice entre le général Dietrich von Choltitz, gouverneur du Grand Paris nommé par Hitler, et le consul suédois Raoul Nordling. Ce diplomate, aussi d'origine française, tente alors de convaincre le général de désobéir au Führer.

Après le bombardement de Berlin par les alliés, Hitler a en effet donné l'ordre de la destruction de Paris, alors toujours en zone occupée par les Allemands.

«J'ignorais tout de cette pièce, fait remarquer le cinéaste. Quand les producteurs sont venus me rencontrer à Berlin, elle n'était déjà plus à l'affiche depuis un an. J'étais alors en train de mettre en scène Carmen en plein air. J'ai lu cette pièce d'une traite. Et je me suis dit «zut!» Je savais que j'étais pris au piège, que je ne pouvais pas refuser.

«C'était sentimental, poursuit-il. Je voyais Paris devant moi, la perspective qu'on en a de l'hôtel Meurice. J'ai tout de suite imaginé une séquence qui serait filmée sur le toit de l'hôtel.

«Je me suis revu, tout jeune homme, quand je suis venu à Paris pour la première fois. J'avais 16 ans. Cette vision m'a bouleversé. C'était la première ville non détruite que je voyais de ma vie. Je ressens d'ailleurs toujours une grande émotion chaque fois que je viens ici.

«J'ai d'abord cru que le salut de la ville était dû à un général amateur d'art, mais grâce à la pièce, et aussi grâce aux recherches que j'ai faites ensuite, j'ai découvert que von Choltitz était un militaire de carrière, nazi convaincu. Et ça, c'est intéressant. Paris a été sauvé grâce à un méchant!»

Interprètes originaux

Cet espace fictionnel - personne ne sait ce qui s'est réellement passé pour amener le général à ne pas suivre l'ordre de Hitler - à l'intérieur de faits historiques a séduit le cinéaste.

«Je venais tout juste de réaliser La mer à l'aube, un film quasi documentaire sur l'histoire du jeune résistant Guy Môquet, souligne le réalisateur.

«Ce qui m'a attiré vers Diplomatie est l'élément de pure fiction. On ne sait pas ce qui s'est passé entre von Choltitz et Nordling. Avec l'auteur Cyril Gely, on a inventé les dialogues. Plutôt que de tenter de découvrir des informations nouvelles, on a essayé de tirer le vraisemblable dans cette part d'imaginaire. Nous ne nous sommes pas lancés dans une enquête. J'ai quand même fait mes devoirs pour trouver des détails, des choses sur le général, mais avant tout, c'était le côté fictif, voire un peu rocambolesque de cette histoire, qui m'a attiré.»

L'idée de faire appel aux deux interprètes originaux de la pièce n'est pas venue tout de suite à l'esprit des artisans du film.

«Au cinéma, il est plus difficile de tricher, dit le cinéaste. À mes yeux, il fallait impérativement un acteur allemand pour incarner le général. Je venais toutefois de voir Niels Arestrup dans Un prophète. Je ne le connaissais pas vraiment, mais je l'avais quand même vu dans des pièces mises en scène par Peter Brook. Je suis allé le rencontrer, ne serait-ce que pour en avoir le coeur net. Cette rencontre s'est très bien passée.

«Niels m'a d'abord mis en garde contre la pièce, déjà jouée 300 fois. Pour tout dire, il a carrément essayé de me décourager. Mais j'ai l'esprit de contradiction. Plus on essaie de me décourager, plus je trouve ça intéressant. La question était de savoir s'il pouvait apprendre la langue allemande assez bien pour communiquer avec ses soldats. Il m'a répondu qu'il avait déjà tourné un film en allemand en apprenant phonétiquement.

«Quant à André Dussollier, il était parfait pour le rôle de ce consul suédois né à Paris. Donc, très attaché à sa ville.»

Tournage au Québec?

Volker Schlöndorff, lauréat de la Palme d'or à Cannes en 1979 et de l'Oscar du meilleur film en langue étrangère en 1980 grâce au film Le tambour, est par ailleurs ravi d'annoncer que son prochain projet de film n'a rien d'historique.

«Il s'agit d'un projet franco-germano-canadien pour lequel nous sommes en train de chercher du financement. Une histoire d'amour contemporaine est au coeur d'un récit qui se déroule à New York et sur la côte Atlantique. Mais ça pourrait tout aussi bien être la côte du Saint-Laurent!»

____________________________________________________________________________

Diplomatie prend l'affiche le 21 novembre.