Quand Eddie Redmayne a appris qu'il avait obtenu le rôle de Stephen Hawking dans The Theory of Everything, il a jubilé. Une seconde. La suivante, il était paralysé d'appréhension. Depuis, il a relevé le défi avec un tel brio que la rumeur en fait déjà un prétendant aux Oscars pour sa performance dans le film de James Marsh.

«Ç'a été extraordinaire et, immédiatement après, j'ai été terrassé par la terreur», a raconté l'acteur britannique que l'on a vu dans Les Misérables, lors de l'entrevue qu'il a accordée à La Presse pendant le Festival du film de Toronto.

Il avait pourtant travaillé fort, très fort, pour incarner l'astrophysicien atteint de sclérose latérale amyotrophique (SLA) dans le biopic inspiré de la biographie écrite par l'ex-femme du scientifique, Jane Hawking. «J'avais lu le scénario, j'ai été épaté et je ne pouvais pas croire que je ne connaissais pas cette histoire», poursuit Eddie Redmayne.

Bien sûr, il connaissait l'icône, la figure publique. Le génie dont les théories sur la naissance de l'univers, sur le temps, sur les trous noirs, sur la gravité quantique sont marquantes. Le vulgarisateur extraordinaire qui a écrit Une brève histoire du temps, ouvrage scientifique devenu un énorme best-seller.

Mais il en savait peu sur l'homme. Sur le garçon qui, à 21 ans, a reçu un diagnostic implacable. La maladie neuromotrice dont il était atteint attaquerait progressivement ses membres, diminuerait ses capacités physiques et sa capacité à s'exprimer. Son cerveau ne serait pas touché par le déclin, mais il allait mourir dans, au plus, deux ans.

C'était en 1963. On le sait, Stephen Hawking est toujours vivant, il est âgé de 72 ans et, bien que prisonnier d'un fauteuil roulant et s'exprimant avec un synthétiseur vocal qu'il contrôle en clignant de l'oeil, ses formidables facultés mentales demeurent inchangées. Idem pour son humour: en août dernier, il a même participé, à sa manière, à l'Ice Bucket Challenge - dont le but est d'amasser des fonds pour la recherche sur la SLA.

Bref, le défi devant lequel s'est retrouvé Eddie Redmayne était là. Un défi pluriel. Jouer l'étudiant surdoué, amoureux de Jane Wilde (Felicity Jones), qui l'épousera alors qu'il en est aux premiers stades de la maladie, qui sera sa compagne pendant 30 ans et avec qui il aura trois enfants. Jouer le scientifique brillant et le formidable vulgarisateur, lui qui a «arrêté tout cours scientifique à 14 ans». Et jouer le déclin physique, les muscles qui faiblissent puis lâchent, l'élocution qui devient de plus en plus approximative.

Recherches pluridisciplinaires

«Il n'existe pas de films où on peut le voir, jeune, avant et au début de la maladie. Je me suis donc inspiré de photos, que j'ai montrées à un spécialiste de la motricité. Pour les années plus récentes, je me suis servi de documents vidéo. J'ai travaillé avec un chorégraphe pour la gestuelle et avec une orthophoniste pour la voix», résume Eddie Redmayne.

Voilà pour l'apparence, pour l'extérieur. Il lui fallait aussi trouver l'homme qui vit à l'intérieur de ce corps sur lequel s'acharne la maladie «parce que cette histoire, ce film suit aussi, et peut-être même surtout, un parcours émotif».

D'où son bonheur, cinq jours avant le début du tournage, de rencontrer le professeur Hawking. Et de constater combien, même si l'homme ne peut presque plus bouger, «il émane toujours de lui dynamisme, humour et esprit. Ça m'a marqué. J'ai compris combien il n'a jamais accepté d'être dépossédé de sa joie de vivre. Il a le visage le plus charismatique que j'ai jamais vu».

Cela a influencé le jeu de l'acteur de 32 ans qui, tout au long de l'aventure, a senti une responsabilité envers l'homme qu'il incarne, sa famille et, de façon plus large, ceux qui souffrent de la SLA. Il a parlé à plusieurs d'entre eux et à leurs proches en guise de recherche. Voir et comprendre l'impact de la maladie sur ceux qui en sont atteints, mais aussi combien elle met à l'épreuve les liens familiaux.

«J'ai énormément appris d'eux», résume celui qui, pour ajouter au degré de difficulté, a travaillé hors de toute chronologie (comme c'est généralement le cas dans les tournages). «Je pouvais être sur mes deux pieds le matin, en fauteuil roulant à midi et en béquilles en fin de journée.»

Eddie Redmayne a ainsi passé des mois devant le miroir à répéter, à (se) parler, à tenter de trouver cet humour, cette malice dans le regard; cette voix qui, pour s'élever, lutte avec des cordes vocales en partie paralysées; et cet extraordinaire charisme qui fait «que quand il entre dans une pièce, Stephen Hawking la contrôle», conclut l'acteur que l'on a aussi vu dans My Week with Marilyn et que l'on verra prochainement dans Jupiter Ascending, des Wachowski. Mais pour lui, l'expérience vécue sur The Theory of Everything a été la plus difficile de sa carrière. «Et la plus gratifiante.»

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The Theory of Everything (La théorie de l'univers) prend l'affiche le 14 novembre.