Julie Lambert est une végétarienne convertie. C'est-à-dire qu'elle mange de nouveau de la viande. Mais pas n'importe laquelle. Celle provenant du produit de la chasse, dite «viande de bois».

Julie Lambert est aussi réalisatrice. Après une quinzaine de courts, elle signe un premier long métrage documentaire, intitulé Un film de chasse de filles. Un film bourré d'adrénaline et d'émotion, où le bruit des pleurs succède à celui des balles.

La chasse vue autrement? Oui madame! Et monsieur. Le film nous fait voir que cette activité presque aussi vieille que l'humanité n'est pas inscrite seulement dans les gènes masculins.

Entre l'Abitibi, l'Outaouais et Drummondville, Julie Lambert, fusil à la main, suit quatre femmes, Florence, Megan, Hélène et Janie, dans leur périple annuel de chasse. Elles ont de 14 à 72 ans. Elles n'ont pas froid aux yeux. Elles ont des idées bien arrêtées sur ce que représente la chasse pour elles comme pour tous ceux qui les entourent.

Leurs traits communs? «D'abord, j'ai voulu axer mon film sur des chasseuses qui vont dans le bois pour la nourriture, dit la cinéaste en entrevue téléphonique. À mon avis, c'est ça qui donne du sens à la chasse. Elles ont aussi une grosse passion pour la nature, ce qui est commun à tous les chasseurs. Mais avec mes chasseresses, j'ai aussi eu accès à l'émotion. Elles parlent de leurs peurs, parce qu'il y a un geste de violence à travers la chasse, et se donnent le droit de pleurer. D'ailleurs, en faisant mon documentaire, des hommes sont venus me dire qu'eux aussi, ils pleurent, mais ils se cachent derrière les arbres pour le faire.»

On le constate, il y a un respect, une communion avec la nature, qui traverse tout le film. Les chasseuses tirent, s'émeuvent, crient leur enthousiasme lorsqu'elles réussissent à abattre une bête pour ensuite aller caresser son poil en lui disant comment elle est belle. Ensuite, elles la dépècent sans plus de cérémonie...

Mme Lambert, qui s'est mise dans son propre film - elle a poussé l'expérience jusqu'à tuer son premier chevreuil -, compare l'expérience à celle du deltaplane, une activité qu'elle pratique aussi.

Féminisation

Comme pour bien des oeuvres, Un film de chasse de filles est issu d'un long processus de rencontres et de mûrissement.

«Il y a une quinzaine d'années, alors que je vivais à Montréal, j'ai découvert la Gaspésie en allant voir des amis. C'était l'automne et il y avait des orignaux partout! Jusque dans la cour arrière de la maison de mes amis. Tout le monde avait hâte de partir chasser. La végétarienne que j'étais a eu un choc culturel. Les chasseurs m'ont alors expliqué la noblesse de chasser pour la nourriture et que cela aidait à équilibrer la faune. Ce n'est pas parce qu'on chasse une fois par année qu'on n'aime pas les animaux. Bien au contraire!»

Un jour, il y a quelques années, en voulant s'inscrire à un cours de chasse en Gaspésie, Mme Lambert constate que la moitié des inscrits sont des femmes.

«L'idée est partie de là, dit-elle. D'autant plus qu'il y a au Québec un mouvement de féminisation qui ne se voit pas partout ailleurs. Au Québec, 16% des chasseurs de gros gibier sont des femmes alors qu'en France, on n'en retrouve que 6% seulement.»

Alors qu'elle part en tournée de promotion de son film à travers tout le Québec, Julie Lambert n'aura pas le temps d'aller à la chasse cet automne. Qu'à cela ne tienne, elle espère un jour aller chasser l'orignal en Gaspésie. «Je m'ennuie du bois, dit-elle. Passer une semaine dans une cache, tous ses sens à l'affût et où l'on décroche de tout, c'est toute une expérience.»

Au pavillon Judith-Jasmin Annexe de l'UQAM du 30 octobre au 5 novembre