Après les Rencontres internationales du documentaire de Montréal, la Berlinale et le festival Hot Docs de Toronto, le film Le semeur de Julie Perron arrive en salle. En entrevue à La Presse, la réalisatrice explique son intérêt pour le semencier Patrice Fortier et le rôle qu'il joue dans l'avenir de notre planète.

Comment avez-vous fait la rencontre de ce personnage hors du commun?

Je cherchais à rencontrer des gens qui veulent sauver le patrimoine végétal. Un ami commun m'a parlé de Patrice Fortier et de la Société des plantes. Je suis allée passer quelques jours à Kamouraska, j'ai rencontré Patrice et, au fil de nos rencontres, en récoltant des carottes dans son jardin, j'ai décidé de faire un film avec lui.

Qu'est-ce qui vous a fascinée chez lui?

Patrice est un homme inspirant et un personnage de cinéma, car il agit en adéquation avec ses valeurs tout en étant intégré à son milieu. Le film aborde Patrice comme un archétype. Les anciens Grecs avaient besoin de représenter leurs héros du quotidien; ces gens avaient valeur d'inspiration pour eux. Nous aussi, plus que jamais, avons besoin d'inspiration, surtout les plus jeunes qui ont soif de voir des adultes qui les inspirent.

En quoi son histoire est-elle cinématographique?

Le microcosme du jardin, la diversité végétale à préserver, représentent une métaphore de notre monde. Prendre soin de la différence, la protéger, c'est ce qui sauvera non seulement le monde végétal mais le monde tout court. Les plantes sont des créatures et la caméra les aborde comme tel, en filmant Patrice en interaction organique avec elles. La conception sonore va dans le même sens. Par rapport à l'histoire du personnage qui rejoint celle du film, c'est avant tout la recherche d'équilibre qui le guide, cet équilibre si difficile à atteindre est celui-là même que nous devons trouver dans notre rapport à la nature.

Parlez-moi de la lumière dans votre travail...

Le lieu était très inspirant. Le travail s'est fait principalement avec la lumière naturelle à laquelle nous ajoutions parfois des éclairages d'appoint en intérieur, de nuit. Je voulais une lumière douce qui fasse ressortir les couleurs de la nature. L'inspiration qui a guidé le travail de caméra est bien sûr le cinéma direct québécois, mais aussi la peinture impressionniste et abstraite pour certains plans. Il fallait que le spectateur regarde le jardin comme Patrice le voit. Qu'il soit émerveillé. La caméra sur trépied me permettait de choisir adéquatement le cadre désiré pour chaque situation.

L'avenir de l'agriculture passe-t-il par un travail comme le sien?

L'avenir de l'agriculture et du monde en général passe par les humains qui ont la volonté d'influencer leur monde par des gestes significatifs dans la vie de tous les jours. Je crois que l'avenir passe par ceux qui insufflent de l'espoir et de la poésie dans leur vie et celle de leur entourage.

Le semeur s'inscrit-il dans une continuité de votre travail?

Oui. Dans tous mes films il y a un rapport à la mémoire et au patrimoine. Ce sont aussi des portraits de gens passionnés et inspirants qui ont une vision du monde avec un train d'avance sur la moyenne. Parfois, je me plais à imaginer une grande tablée où seraient invités à souper les personnages de mes films. J'imagine les conversations passionnantes que cela pourrait donner.

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Le semeur prend l'affiche le 9 mai.