Reprendre le personnage de Xavier et entraîner cet ancien grand adolescent dans des zones différentes sans qu'il perde sa fraîcheur et sa spontanéité: un beau défi pour Romain Duris.

Romain Duris savait bien qu'il retrouverait un jour le personnage de Xavier. La seule question était de savoir quand. Aussi ne fut-il pas étonné quand son ami Cédric Klapisch a contacté les acteurs principaux de L'auberge espagnole pour les inviter à clore une trilogie dont le deuxième volet, Les poupées russes, avait été tourné huit ans plus tôt.

«J'étais vraiment très enthousiaste à l'idée de reprendre le personnage, a indiqué l'acteur au cours d'un entretien téléphonique accordé à La Presse. Xavier fait maintenant face à une réalité différente. J'avais envie de le faire évoluer là-dedans. À 40 ans, il n'est plus le vieil ado qu'il a longtemps été. Il a une famille, donc davantage de responsabilités. En même temps, il ne fallait pas non plus changer sa nature et lui faire perdre du coup sa drôlerie, sa fraîcheur. Le principal défi était de trouver le bon équilibre dans tout ça.»

À New York

L'action de Casse-tête chinois se déroule à New York. C'est là que Xavier, qui est toujours atteint du virus du voyage, s'est installé. À vrai dire, le nouveau quadragénaire s'est rendu dans la Grosse Pomme par nécessité. Parce que les deux enfants qu'il a eus avec Wendy (Kelly Reilly) y vivent désormais. Au menu de sa nouvelle vie: un mariage en blanc avec une Sino-Américaine (histoire d'obtenir la nationalité), un appartement miteux au beau milieu du Chinatown, des quiproquos, de la clandestinité, de la complicité avec la meilleure amie lesbienne (Cécile de France) qui file le grand amour dans la ville qui ne dort jamais. Sans oublier, bien sûr, l'arrivée de Martine (Audrey Tautou), venue dans la mégalopole pour une importante rencontre avec une délégation chinoise. Même si Xavier mène une vie plus responsable, il n'y a quand même pas encore lieu d'évoquer ici une vie plus rangée.

«Pour un acteur, il est très intéressant d'avoir l'occasion de revisiter un personnage que l'on a façonné avec le temps, fait remarquer Romain Duris. D'autant que Xavier, je l'ai beaucoup travaillé. Quand Cédric m'a offert le rôle la première fois pour L'auberge espagnole, je me suis franchement demandé pourquoi il me destinait ce personnage très différent de moi dans la vie. Je ne comprenais pas. Pour la première fois, j'ai dû faire un vrai travail de composition. Il me fallait défendre un personnage qui, sur papier, ne m'était pas spécialement sympathique. Il a fallu que je lui invente une vie, que je l'habite. Au départ, le personnage affichait une grande immaturité. Il était insouciant, naïf. J'ai mis beaucoup de temps à le faire vivre. C'est comme une maison. Une fois que la fondation est solide, il est bien agréable de rajouter des étages!»

Une relation féconde

Cédric Klapisch et Romain Duris entretiennent à la fois une relation professionnelle féconde et une belle relation d'amitié. L'acteur fut d'ailleurs révélé au monde grâce au Péril jeune, leur première collaboration. L'auberge espagnole marque aussi une étape importante dans l'esprit de Romain Duris. C'est en effet grâce à ce film que le jeune homme a décidé de véritablement poursuivre une carrière d'acteur. Et d'en explorer toutes les subtilités.

«Auparavant, je ne m'étais jamais attaqué à un personnage que je n'aimais pas d'emblée, rappelle-t-il. Tout était instinctif. Pour jouer Xavier, j'ai dû mettre en action un processus d'adoption d'un caractère. Je m'étais alors dit que si ça marchait et que j'y prenais plaisir, ça voulait dire que j'étais vraiment devenu un acteur. Quand vous vous en rendez compte, ça donne des ailes. Après, on utilise ce processus tout le temps. On emprunte le chemin qu'il faut suivre pour arriver au personnage, peu importe sa nature.

«Casse-tête chinois est notre septième film ensemble, Cédric et moi, poursuit-il. Bien entendu, je suis partant tout de suite avec lui. Nous nous faisons mutuellement confiance. Ce qui ne m'empêche pas de dire ce que je pense si j'estime qu'un élément fonctionne moins bien. Cédric fait du cinéma pour les bonnes raisons et n'hésite pas à intégrer des choses plus personnelles dans ses histoires. Avec lui, je ne peux que revêtir humblement le costume du comédien qui se met au service d'un cinéaste qui est en train de construire une oeuvre.»

Quand on lui demande ce qu'il retient de cette trilogie, Romain Duris avance d'abord la nature émouvante d'une aventure humaine étalée sur près de 15 ans. Puis il associe surtout les souvenirs aux villes visitées dans les différents volets de la trilogie. Barcelone pour L'auberge espagnole, Saint-Pétersbourg pour Les poupées russes, New York pour Casse-tête chinois.

«J'ai pu mesurer le grand privilège que constitue un tournage à New York, dit-il. Même si c'est très compliqué sur le plan de l'organisation là-bas, ça reste magique. Au-delà du cliché, il est vrai que New York est une ville qui a son âme propre. On ressent cette énergie particulière dès notre arrivée. Ça ne ressemble à rien d'autre. Et puis, y travailler, c'est différent que d'y aller en touriste. C'est une autre vibration.»

Souvenir de Chéreau

Aussi interprète très prisé par Patrice Chéreau à la fin de la vie de ce dernier, tant au cinéma (Persécution) qu'au théâtre (La nuit juste avant les forêts), Romain Duris compte remonter sur les planches.

«Cette envie a resurgi surtout depuis la disparition de Patrice, je dirais. J'aimerais revivre ça avec quelqu'un d'autre, même si je ne pourrai probablement jamais retrouver le même genre de collaboration. Mais je n'ai pas envie non plus d'enfouir tout ce que m'a appris Patrice au théâtre, notamment le plaisir de la scène. Je n'ai pas envie de garder cela dans un souvenir fermé à clé. Ce que j'ai appris avec lui est trop précieux.»

Et si jamais son ami Klapisch décidait d'aller voir ce que Xavier est devenu dans un quatrième volet?

«Moi, je serais bien prêt à continuer, répond-il. Mais la décision appartient seulement à Cédric. Reprendre Xavier à 50 ou 60 ans, pourquoi pas?»

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Casse-tête chinois prend l'affiche le 25 avril.

PHOTO FOURNIE PAR CHRISTAL/SÉVILLE

Romain Duris: « À 40 ans, Xavier n'est plus le vieil ado qu'il a longtemps été. Il a une famille, donc davantage de responsabilités. »