Sandrine Kiberlain ne possède aucune des caractéristiques physiques que recherchait Albert Dupontel pour le personnage de la juge du film 9 mois ferme. La collaboration a pourtant été profitable. Grâce à sa composition, la comédienne a reçu le César de la meilleure actrice...

Il s'en est fallu de peu pour que le film 9 mois ferme ne voie jamais le jour. Albert Dupontel a d'abord voulu monter le projet en Angleterre avec Emma Thompson. Puis, pour des raisons d'ordre artistique, l'auteur-cinéaste a finalement décidé de produire le film dans l'Hexagone en utilisant la bonne vieille langue de Molière.

Catherine Frot devait d'abord revêtir la toge du personnage central, une juge célibataire aux moeurs très strictes qui tente de savoir comment elle a bien pu tomber enceinte. Et surtout, qui est le père. Mais rien n'allait. Dupontel a même failli tout laisser tomber à ce moment.

«Dieu merci, il a accepté de me recevoir, même si je ne correspondais pas du tout au personnage physiquement», racontait récemment Sandrine Kiberlain lors d'une rencontre à laquelle assistaient quelques journalistes québécois.

«Dans le script, on décrivait une femme brune, très sévère, très colérique. Rien de la grande blonde un peu nonchalante que je suis. Mais je tenais à rencontrer Albert.

«À la lecture, j'avais trouvé son scénario brillant, subtil, très abouti. Mon arrivée a bousculé certaines choses, je crois. Albert a en tout cas dû modifier quelques trucs afin que je puisse mieux investir le personnage. Si je suis allée vers lui et lui vers moi, cela n'est probablement pas l'effet du hasard.»

Une année royale

L'actrice, qui a connu une année royale en 2013 avec, notamment, deux grands rôles de composition (elle a aussi incarné Simone de Beauvoir dans le film Violette de Martin Provost), était pourtant animée d'une petite appréhension au départ.

«J'avais un petit peu peur d'Albert, confie-t-elle. J'avais de lui l'image d'un brun ténébreux très tendu, ce qui est complètement idiot. C'est d'autant plus idiot que le sujet du film traite justement des idées préconçues qu'on peut avoir envers des gens qui projettent une certaine image.

«Albert est quelqu'un de très doux, très précis, très travaillant. J'ai d'ailleurs senti un doute de sa part au début. J'ai bien vu qu'il avait besoin de sentir chez moi un véritable investissement. J'ai donc joué le jeu à fond. Je me suis présentée aux essais comme une débutante!»

Au départ, le personnage d'Ariane Felder n'apparaît pas comme quelqu'un de très sympathique. Très à cheval sur les principes, la juge mène une vie quasi monastique, entièrement consacrée à son métier. Elle n'entretient pratiquement aucun lien affectif. Alors que tous ses collègues célèbrent sur les lieux de travail la veille de Noël, elle préfère se retirer dans son bureau et lire ses dossiers.

Son destin bascule le jour où elle se découvre enceinte. Aucun souvenir de la conception. Le black-out total. La situation se complique quand tout indique que le géniteur serait un dangereux criminel (Albert Dupontel) ayant commis des crimes trop atroces pour être décrits ici.

«Je voulais rendre Ariane attachante malgré tout, fait remarquer Sandrine Kiberlain. J'en ai même fait une obsession! Voilà quelqu'un qui, à force d'être toujours confrontée aux grands drames de l'humanité, oublie de vivre aussi les choses simples de la vie. J'aimais qu'on puisse sentir au fil du récit une transformation progressive chez elle. Comme si elle se libérait d'une certaine façon.»

Une forte impression

9 mois ferme est à la hauteur des attentes de l'actrice. Sandrine Kiberlain est visiblement très heureuse du résultat.

«Déjà, mon impression était très forte au moment du tournage, explique-t-elle.

«Après avoir vu le film terminé, j'étais persuadée que les gens l'aimeraient et que le bouche-à-oreille fonctionnerait. Une intuition comme celle-là arrive très rarement. On n'est pas toujours fier des films dans lesquels on joue, mais celui-là, j'avais vraiment envie que tout le monde le voie!»

L'actrice met par ailleurs sa belle envolée de l'année dernière sur le compte de la chance.

«On reste quand même tributaire du désir des autres, signale-t-elle. Il se trouve que des cinéastes ont pensé à moi pour des rôles différents de ceux qu'on m'offre habituellement. Je ne calcule rien. Le film d'Albert est devenu un grand succès populaire, mais il s'agit aussi d'un vrai film d'auteur. Rien n'était gagné d'avance. Après plus de 20 ans de carrière, je n'accepte maintenant que les projets qui, à mes yeux, deviennent nécessaires pour moi. Même si, parfois, ça complique les choses un peu sur le plan de l'organisation de la vie de famille. Une seule fois, j'ai fait un film pour de mauvaises raisons. Je ne ferai plus jamais ça.»

Évidemment, l'actrice aura l'élégance de taire le titre du film en question. «Ce film n'existe pas!», conclut-elle avec un sourire.

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9 mois ferme prend l'affiche le 4 avril. Les frais de voyage ont été payés par Unifrance.