«Il devient plus beau en vieillissant et il est tellement talentueux que c'en est obscène. C'est comme si Dieu avait dit: «Si, cette fois, je donnais tout à l'un d'entre eux?» Et ça a donné George», a lancé Matt Damon lors d'une conférence de presse très courue tenue à Los Angeles qui réunissait une partie des troupes du long métrage The Monuments Men - dont son réalisateur et l'une de ses têtes d'affiche: le George en question. Clooney, bien sûr. Lequel, à son habitude, a brillé par l'humour - «On n'a pas pu avoir Brad [Pitt], alors on a pris Matt [Damon]» - et la pertinence. Et le charme.

George Clooney, bien que parfait (!), savait peu de choses sur les Monuments Men jusqu'à ce que Grant Heslov, son partenaire habituel d'écriture (ils ont signé ensemble les scénarios de The Ides of March et de Good Night and Good Luck), lui parle du livre dans lequel Robert M. Edsel relate cet épisode de la Seconde Guerre mondiale. Alors que le conflit tirait à sa fin, des directeurs de musée, des architectes, des conservateurs, des artistes, des historiens de l'art américains et européens sont partis en direction du front afin de sauver des oeuvres d'une valeur inestimable que les nazis s'apprêtaient à voler ou à détruire. Les alliés eux-mêmes avaient failli, par inadvertance (et ignorance), détruire La cène de Léonard de Vinci!

Ces hommes étaient trop âgés pour s'enrôler, ils n'avaient ni entraînement ni forme physique. Mais ils avaient la passion de l'art. Et ils s'étaient donné une mission. Sauver les oeuvres qui pouvaient l'être. Puis, idéalement, retrouver leurs propriétaires (musées ou collectionneurs privés) et les leur rendre.

Eux-mêmes n'avaient pas idée, au départ, de l'ampleur du phénomène: les nazis avaient mis la main sur plus de cinq millions des plus grands trésors culturels d'Europe (que l'on songe à la Madone de Bruges de Michel-Ange ou à l'Autel de Gand de Van Eyck), dont des dizaines de milliers de toiles de maîtres (de Vinci, Rembrandt, Vermeer, Picasso). À elle seule, la mine de sel d'Altaussee, en Autriche, une des nombreuses «caches» allemandes, contenait 6577 peintures, 230 dessins ou aquarelles, 137 sculptures, 122 tapisseries, et de 1200 à 1700 boîtes de livres rares.

Le sujet a immédiatement parlé à George Clooney. Par son importance. Mais aussi parce que c'était l'occasion, pour lui, de faire un virage en matière de ton.

Trouver le ton

«J'ai coécrit et réalisé quelques films plutôt cyniques et... je ne suis pas vraiment cynique. J'avais envie de faire quelque chose de positif et d'un peu à l'ancienne», explique-t-il. Il a pensé aux films de John Sturges (The Great Escape, The Magnificent Seven) et il voit The Monuments Men comme un croisement de The Train et de Kelly's Heroes - le premier avec Burt Lancaster, l'autre avec Clint Eastwood, les deux mettant en scène des hommes tentant de sauver des trésors européens volés par les nazis.

Tourné en bonne partie en Allemagne (Berlin, Babelsberg et ses alentours, le massif du Harz), The Monuments Men présente donc un sujet grave, mais sur un ton «léger». On sourit avant d'avoir le coeur serré et de sourire encore. Ainsi, certains des tandems fonctionnent sur le mode de l'humour - Bob Balaban et Bill Murray, John Goodman et Jean Dujardin -, alors que d'autres sont plus graves - Matt Damon et Cate Blanchett, Hugh Bonneville et George Clooney. On passe alors de la découverte incroyable (mais vraie, et rigolote) du dernier panneau de l'Autel de Gand à l'ouverture d'un tonneau rempli d'or. De dents en or.

Servant un peu de «guide» aux émotions, à la façon des films d'autrefois, la musique d'Alexandre Desplat. C'est assumé. Et voulu.

George Clooney a toujours été conscient, depuis les débuts du projet, que certains aspects de son film, sous leur traitement parfois léger, sont délicats. «Le rapatriement des oeuvres trouvées par les Monuments Men et d'autres, plus tard, n'est pas chose terminée encore. Vous savez, en Russie, il y a toute une génération qui, parce que le conflit a fait 25 millions de victimes chez elle, est persuadée que les vainqueurs ont le droit de garder ce qu'ils ont rapporté. Les plus jeunes sont favorables à la restitution des oeuvres à leurs propriétaires originaux, mais ce n'est pas encore fait.»

On parle ici d'événements survenus il y a 70 ans. Or le même genre d'histoire se répète aujourd'hui. «Regardez ce qui se passe en Syrie en ce moment, souligne l'acteur-cinéaste. Ou ce qui s'est passé en Irak, alors que nous n'avons pas pensé à protéger ces musées et ces oeuvres qui sont maintenant disparus à jamais. La perte de la culture peut toucher les collectivités de manière extrêmement profonde. C'est pour cela qu'en écrivant ce film, nous ne perdions pas de vue que notre sujet n'était pas seulement ces monuments, toiles et sculptures, mais touchait la trame même de notre culture et de notre histoire.» Et cela devait être sauvé.

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The Monuments Men (Les Monuments Men) prend l'affiche le 7 février. Les frais de voyage ont été payés par Sony Pictures.