Dans le plus récent film d'Atom Egoyan, l'acteur britannique se glisse dans la peau d'un détective privé, fervent militant contre la peine de mort, alors que les États-Unis sont secoués par une affaire judiciaire sordide.

En 1994, à West Memphis, petite bourgade de banlieue située dans l'Arkansas, trois adolescents ont été condamnés pour le meurtre de trois enfants, apparemment tués lors de rituels sataniques l'année précédente. Les accusés ont toutefois été relâchés 17 ans plus tard, faute de preuves.

Cette affaire du «West Memphis Three» a déjà fait l'objet de nombreux reportages et documentaires, parmi lesquels l'excellent film West of Memphis (Amy Berg). Aujourd'hui, à travers une oeuvre de fiction très documentée, le cinéaste canadien Atom Egoyan reprend le fil des événements en privilégiant le point de vue de la mère d'une des victimes, interprétée par Reese Witherspoon, et celui d'un détective privé qui milite contre la peine de mort, campé par Colin Firth.

L'acteur britannique, lauréat d'un Oscar il y a trois ans grâce à sa composition dans The King's Speech, retrouve ainsi un cinéaste avec qui il a déjà tourné Where the Truth Lies. D'ailleurs, une amitié est née entre les deux hommes à l'époque.

«Mon attrait envers Devil's Knot vient principalement du fait qu'Atom en assure la réalisation, a confié Colin Firth au cours d'un entretien accordé à La Presse au Festival de Toronto, l'an dernier. Quand il m'a téléphoné pour m'offrir le rôle, je connaissais déjà l'existence de ce projet. Je savais que l'histoire était tirée d'un fait réel, qu'elle comportait sa bonne part de controverse, et que l'aventure ne serait pas toujours tranquille. Mais j'aime le cinéma d'Atom. Et j'apprécie aussi beaucoup Atom en tant qu'individu.»

Une matière solide

Même s'il ne connaissait pratiquement rien de l'affaire avant la mise en chantier de ce film, le célèbre interprète de Mr. Darcy (Pride & Prejudice) s'est pris d'un intérêt marqué pour cette histoire. Il affirme en outre avoir été «contaminé» par la passion qu'a mise Egoyan dans son film, notamment sur le plan de la recherche et de l'enquête.

«Autant avec Reese qu'avec moi, Atom a partagé le fruit de ses recherches, explique-t-il. Il ne fait rien à moitié. Pour entamer le tournage, nous disposions d'une matière solide. Avec lui, tu sais que les conversations seront stimulantes et les échanges, relevés. J'aime être en sa compagnie. Et j'admire son travail. D'autant que sa démarche est très inclusive. Atom est vraiment à l'écoute des gens en qui il a confiance. Cela dit, il peut aussi être très ferme quand il estime que son idée est celle qui convient le mieux à son film. Il est curieux de nature, très indépendant d'esprit. Et extrêmement intelligent, il va sans dire.»

Colin Firth s'est retrouvé sur le plateau de Devil's Knot à peine trois jours après avoir quitté celui de The Railway Man, un film de Jonathan Teplitzky dont le tournage a eu lieu en Australie.

«C'est un virage rapide, même un peu étrange, admet-il. Devil's Knot étant un film à petit budget, nous n'avions pas vraiment le temps d'avoir des états d'âme. Il fallait être en état d'alerte, toujours. Je ne pourrais pas toujours bien fonctionner en empruntant cette méthode, mais là, le contexte se prêtait bien à une approche de cette nature. Tout devient critique, important. Et l'on ne dispose parfois que d'une seule prise. Atom aime bien cette spontanéité aussi.»

Une très belle période

D'abord révélé au théâtre au début des années 80 grâce à la pièce de Julian Mitchell Another Country, et ensuite au cinéma grâce à l'adaptation de la même pièce (une réalisation de Marek Kanievska), Colin Firth estime vivre aujourd'hui, à 53 ans, l'une des plus belles périodes de sa carrière d'acteur.

«Je suis encore tributaire d'une décision prise à l'adolescence: celle de devenir acteur. Fort heureusement, tout s'est bien passé pour moi. J'ai toujours eu beaucoup de plaisir à exercer mon métier. En vieillissant, les rôles se bonifient, on dirait. Peut-être est-ce simplement une réaction due à mon âge, à ma sensibilité, à mes préoccupations, mais il se trouve que les personnages masculins abordent souvent au cinéma des questions qui m'intéressent. Et on dirait qu'il y en a davantage. Cela constitue d'ailleurs une injustice incroyable par rapport aux actrices de mon âge.

«Les histoires qu'on me propose sont de plus en plus intéressantes, poursuit-il. À 50 ans, les personnages sont forcément riches d'un passé d'adulte que ne peuvent avoir des personnages de 20 ans qui entrent à peine dans le monde. Les quinquagénaires ont aussi un avenir. C'est un âge très intéressant à jouer. D'autant plus que c'est celui que j'ai!»

Plusieurs projets figurent au programme de Colin Firth au cours des prochains mois. L'acteur partagera notamment l'affiche du prochain film de Woody Allen, Magic in the Moonlight, dans lequel il donnera la réplique à Emma Stone.

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Devil's Knot (Noeud du diable en version française) prend l'affiche le 24 janvier.