D'origine turque, le cinéaste québécois Onur Karaman signe à 32 ans son premier long métrage, La ferme des humains. Le film esquisse le Québec moderne multiethnique, avec ses richesses, ses défis et ses tourments.

Nouvelle signature du cinéma québécois, Onur Karaman vit au Québec depuis l'âge de 8 ans. Passionné par le septième art, il a réalisé et produit trois courts métrages (Stations, Le Ride, R'en-donner) depuis 2006. La ferme des humains, ancré dans la réalité multiculturelle du Québec, est son premier long métrage.

Comment s'est faite votre entrée dans le cinéma québécois?

J'ai fait un DEC au collège Champlain, puis je suis allé à l'université, mais je trouvais que je refaisais les mêmes choses. Je voulais vivre le cinéma. J'ai écrit Stations alors que je travaillais 40 heures par semaine dans une boîte, au service à la clientèle. Puis j'ai travaillé sur le scénario de La ferme des humains. J'avais l'impression que c'était nouveau dans le cinéma québécois. Il a d'abord été refusé par la SODEC. Je l'ai retravaillé. Finalement, on m'a dit que ç'a été un coup de coeur du jury!

Vous avez présenté La ferme des humains une première fois aux Rendez-vous du cinéma québécois en février dernier...

Oui, mais je n'étais pas satisfait de cette version. On a donc retravaillé le son et fait des changements dans le montage de certaines scènes. C'est cette nouvelle version qui sort maintenant.

D'où est venue l'idée de cette histoire de trois jeunes de cultures différentes, le pure-laine JP, le musulman Karim et José le Latino, qui s'ennuient ferme en fumant du pot tous les jours dans un parc?

Il y a un peu de moi dans le film. C'est comme en Turquie où il y a à la fois l'Orient et l'Occident. Au Québec, on commence à avoir cette réalité de plus en plus. J'appartiens aux deux cultures et je trouve ça excitant. C'est pour ça que j'ai créé les rôles de JP et de Karim. D'une certaine manière, ils représentent deux extrêmes.

Qu'est-ce que vous avez voulu explorer dans ce film?

La connerie humaine. De l'incompréhension naissent toutes sortes de jugements sur les autres. Quand on ne comprend pas une culture, ça ne veut pas dire qu'elle est mauvaise. La réalité des enfants d'immigrants n'est pas la même dans la rue et chez eux. Je voulais le dire, car ce n'est pas tout le temps facile pour un fils d'immigrant. La société nous force à aller dans une direction alors que nos parents tentent de nous guider à leur manière.

La ferme des humains traduit aussi une réalité sociale du Québec, avec le problème de désoeuvrement de certains jeunes et la perte de repères.

Quand on est jeune, on essaie de se trouver. J'ai vécu ça aussi. Au Québec, on est à l'aise d'une certaine manière, mais de cette aisance naît une sorte de malaise. On n'a pas ce besoin absolu de survivre qui existe dans d'autres pays.

Est-ce un film dans lequel les jeunes Québécois d'aujourd'hui vont se retrouver?

Je pense que oui. Ces jeunes-là, de cultures différentes, n'étaient pas nécessairement représentés dans les films québécois. C'est pour ça que j'ai voulu écrire ce film. Quand j'avais 14, 15, 16 ans, des films non hollywoodiens m'ont marqué, comme La haine, Trainspotting, Jay&SilentBob ou The Clerks. Il y avait une certaine âme dans ces films. Je voulais reproduire quelque chose comme ça.

La ferme des humains prend l'affiche le 17 janvier.