Ayant oeuvré dans le format documentaire depuis ses débuts au cinéma, en 2006, Philippe Lesage a entrepris une première aventure dans la fiction avec Copenhague, romance à saveur autobiographique tournée au pays de Lars Von Trier. Il se prépare d'ailleurs à entamer le tournage de son sixième long métrage, Les démons, film d'horreur inspiré de son enfance à Longueuil, qui a récemment été retenu par Téléfilm.

À travers ses quatre premières oeuvres, le jeune cinéaste montréalais a cultivé une approche contemplative extrêmement disciplinée, sorte de variante radicale de la tradition du cinéma-vérité. Il a assis sa réputation grâce à ses deux derniers documentaires, qui ont bénéficié d'une distribution commerciale en salle.

Laylou, son plus récent, proposait un examen lumineux du passage à la vie adulte, avec comme canevas l'été post-fin d'études d'un groupe d'adolescents de Mont-Saint-Grégoire. Ce coeur qui bat, traversée à la fois franche, pudique et lyrique dans les couloirs de l'Hôtel-Dieu de Montréal, lui a valu le Jutra du meilleur long métrage documentaire en 2012.

«Après Laylou, je suis allé au bout de ma démarche et j'ai eu envie d'intervenir dans le réel», a indiqué Lesage à La Presse lors d'un entretien à son domicile, dans le Mile End.

«En documentaire, parfois, il y a des jours où il ne se passe absolument rien, c'est d'une platitude inouïe. Mais dans la fiction, étant donné que j'avais la possibilité d'établir les règles du jeu, et de provoquer des situations, j'avais l'impression que, chaque jour, il y avait quelque chose de magique qui se passait», précise-t-il.

Pas le beau rôle

Copenhague est basé en partie sur les années d'enseignement de Lesage dans la capitale danoise, où il a donné un cours sur le documentaire au prestigieux European Film College. Dans le film, il incarnera une version caricaturée de sa propre personne, un rôle secondaire qu'il assimile au «fil d'un collier sur lequel sont posées des perles», dit-il en référence à ses principaux protagonistes.

«Un professeur de cinéma québécois qui se retrouve au Danemark, qui vient de perdre sa blonde, son appartement, sa job, puis qui se retrouve à aller coucher chez d'anciens élèves qui le percevaient comme un mentor. Mon personnage est un peu profiteur, un peu salaud, il essaie même de voler les blondes de ses anciens élèves!», résume-t-il.

«Il y a beaucoup d'autodérision, je ne me donne pas le beau rôle», admet Lesage, tout en soulignant que, dans certains cas, la fiction se frotte obstinément à la réalité. «Par exemple, je rejoue intégralement une scène de rupture avec ma copine danoise de l'époque, et c'est elle qui tient son propre rôle.»

Continuité dans l'approche

Tourné à 90% en langue danoise, le reste dans un anglais concassé, Copenhague se présente comme un objet à l'identité unique dans le paysage cinématographique québécois. À l'exception de notre acteur-cinéaste, la distribution est entièrement composée de gens de l'endroit. La plupart sont des étudiants en théâtre, mais on trouve aussi quelques professionnels, dont Rudi Köhnke, mâle alpha scandinave du grand et du petit écran en pleine ascension.

Coproduit par Galilé Marion-Gauvin, de Productions unité centrale, et par la boîte française Sacrebleu Productions, avec un appui initial du Conseil des arts et des lettres du Québec, le film a connu un tournage expéditif, avec une équipe réduite au minimum. Une méthode de travail qui inspire Lesage pour la suite, notamment pour Les démons, qui bénéficiera d'un déploiement financier et logistique bien plus imposant.

«Copenhague est vraiment en continuité avec mon approche documentariste, parce qu'il y avait beaucoup de place pour l'improvisation, la recherche d'authenticité, la spontanéité et le naturel dans le jeu. Il faut tout le temps être ouvert aux imprévus, aux accidents, au hasard. Le fait que rien n'était arrêté, que ça ne s'appuyait pas sur un scénario de 90 pages dialogué, c'est ça qui a permis autant de fraîcheur», affirme-t-il.