À 77 ans, Robert Redford relève l'un des plus grands défis de sa carrière de comédien. Dans ce film sans dialogue, où, fin seul à l'écran, il est plongé dans des conditions extrêmes, l'acteur livre une grande composition.

C'est quand même étrange. Depuis le temps qu'il contribue à l'émergence du cinéma indépendant et qu'il apporte son soutien aux cinéastes émergents, Robert Redford n'avait encore jamais eu l'occasion de tourner dans l'un des projets des protégés du festival de Sundance. Dont il est le fondateur.

J.C. Chandor, révélé à ce célèbre festival il y a deux ans grâce à Margin Call (qui lui a valu une nomination aux Oscars dans la catégorie du scénario adapté), a fait appel à l'icône avec, sous le bras, un projet pour le moins singulier.

All is Lost est un film qui se déroule en mer du début à la fin. On y voit un homme, dont on sait très peu de choses, voguer en solitaire sur un yacht au beau milieu de l'océan Indien. Son bateau a subi des dommages importants à cause d'une collision avec un gros conteneur métallique à la dérive. Tous les instruments de navigation sont au point mort. La radio aussi. Un orage s'annonce. L'eau s'infiltre partout.

Un personnage seul

Au tout début du film, on entend l'homme lire une note destinée à ses proches. Ce seront là les uniques paroles entendues. Pendant 107 minutes, la caméra sera braquée sur un personnage seul et en danger, qui tentera de trouver des solutions pour sortir vivant de ce cauchemar.

«J'aimais cet aspect [du film], a précisé Robert Redford au cours d'une rencontre de presse tenue mercredi à New York. On sait que cet homme écrit une note à sa famille, qu'il entretient aussi des regrets à propos de quelque chose. Moi, ça me suffit. Cet homme est dans le concret de sa réalité. Toute son énergie est consacrée à survivre. Je ne sentais pas le besoin d'en savoir davantage sur sa vie ni de lui en inventer une.»

S'il a eu l'occasion de faire quelques petites croisières de plaisance dans sa vie, l'acteur concède qu'il a un intérêt «mitigé» pour les activités nautiques.

«J'ai grandi en Californie pourtant! J'ai vogué à plusieurs endroits - au Québec notamment -, mais toujours sur le bateau de quelqu'un d'autre, jamais en haute mer. Je n'ai jamais eu à affronter de tempête non plus!»

À ses yeux, ce projet constituait surtout une occasion rare de vivre une expérience cinématographique très particulière.

«Quand j'ai lu ce scénario, plus mince qu'un scénario classique parce qu'il ne repose que sur des descriptions, j'ai eu un peu peur, confie-t-il. Cela dit, je trouvais l'idée très originale. J'ai été intrigué au point où j'ai voulu voir ce qu'il en était. Il m'a suffi de rencontrer J.C. et de parler avec lui 10 minutes pour être convaincu. À mes yeux, All is Lost constitue une expérience cinématographique très pure. Et aussi une expérience ultime pour un acteur. L'approche est très réaliste. Il n'y a pratiquement pas d'effets spéciaux.»

Un tournage réaliste

Le tournage d'All is Lost s'est déroulé en majeure partie dans le gigantesque réservoir des studios Baja au Mexique, conçu dans les années 90 par James Cameron pour le tournage de Titanic. L'acteur, âgé de 77 ans, a été brassé, secoué et trempé jusqu'aux os quotidiennement pendant toute la durée du tournage.

«C'était la "vraie" affaire, indique M. Redford. Durant toute ma carrière, j'ai toujours tenu à faire les cascades moi-même. Avec l'âge, on ne peut évidemment pas se lancer là-dedans de la même façon. Il faut être prudent. On connaît moins ses limites aussi. J'avais prévenu J.C. que je ne saurais s'il était envisageable d'effectuer les cascades moi-même qu'une fois placé dans la situation. Comme je suis assez en forme, il se trouve que tout s'est bien déroulé. J.C. était aussi très protecteur à mon égard. Au bout du compte, c'est le fait d'être continuellement trempé qui est le plus difficile à supporter!»

Gravity, Captain Phillips et maintenant All is Lost ont pour point commun de raconter l'histoire d'un personnage qui doit faire face seul à l'adversité pour assurer sa survie.

«Nous vivons à une époque où plusieurs Américains se sentent complètement perdus, fait remarquer Robert Redford. Peut-être cela a-t-il à voir avec cette espèce de convergence de thèmes. Cela dit, je crois qu'il est prématuré de pousser l'analyse plus loin. Une chose est certaine: All is Lost se distingue grandement des deux autres films sur le plan du budget!»

> All is Lost (Seul en mer en version française) prend l'affiche le 25 octobre.

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Les frais de voyage ont été payés par Films Séville.