Lauréat du prix d'interprétation masculine au Festival des films du monde, Marcel Sabourin trouve, dans L'autre maison de Mathieu Roy, son plus grand rôle au cinéma depuis J.A. Martin photographe...

Quand Mathieu Roy a écrit le scénario de L'autre maison, fiction inspirée de ce qu'il a lui-même vécu au moment où son père a souffert d'une maladie dégénérative, Michel Bouquet devait camper le patriarche. Le réalisateur, reconnu jusqu'ici grâce à ses documentaires (Surviving Progress notamment), avait en effet convaincu le grand acteur français de se glisser dans la peau du personnage, éminent journaliste, homme de lettres et de culture.

«Je crois avoir été un peu aveuglé par mon enthousiasme à l'idée de travailler avec Michel Bouquet, reconnaît aujourd'hui l'auteur cinéaste. Quand des conflits d'horaires se sont présentés - Michel jouait au théâtre au moment où nous devions commencer le tournage -, Roger [Frappier] m'a rappelé que Bergman tournait ses films avec des acteurs suédois. Le message est passé. Et c'est vrai qu'il aurait été difficile de croire que Roy Dupuis puisse être le fils de Michel Bouquet. J'ai donc abandonné l'idée. Dès que j'ai rencontré Marcel [Sabourin], ce fut l'évidence même. Cela dit, je compte mettre à profit mon amitié avec Michel Bouquet dans un prochain scénario.»

Un tournage heureux

Un beau revirement, en quelque sorte. Dans le rôle d'un homme dont les dernières années de vie sont marquées par la maladie d'Alzheimer, Marcel Sabourin propose une composition très juste, empreinte de pudeur et d'innocence.

«J'ai vécu ce tournage avec beaucoup de bonheur, même s'il y avait des scènes difficiles à jouer sur le plan émotif, raconte l'acteur qui nous gratifie de sa première grande présence au cinéma depuis un moment. Il y avait de la joie dans ce rôle, même si le film fait écho à une situation très triste pour tout autre être humain. Mathieu ayant vécu cette réalité, il n'a pas écrit son scénario tristement. Il ne l'a pas filmé tristement non plus. C'est ce qui m'avait frappé - et séduit - à la lecture.»

Même s'il a eu l'occasion de croiser de nombreux reporters au cours de ses 62 ans de carrière (bien comptés!), Marcel Sabourin ne se souvient pas d'avoir eu un jour la chance de rencontrer Michel Roy, brillant journaliste et pédagogue, père du cinéaste et du chef d'antenne Patrice Roy.

«Honnêtement, je crois qu'il s'agit d'un net avantage, indique l'acteur. Si j'avais connu cet homme, mon jeu aurait forcément été coloré par le souvenir que j'en aurais gardé. Cela m'aurait peut-être distrait. Ou attristé même.»

Une ressemblance

Un peu «étourdi» de nature, l'acteur était d'autant plus heureux de pouvoir faire valoir ce trait de personnalité à travers un personnage dont les repères tombent.

«Bien entendu, la maladie d'Alzheimer est ponctuée de moments douloureux, fait-il remarquer. Mais il n'y a pas que ça. Par moments, le personnage est seulement distrait. Il est un enfant. Ça me ressemble. Depuis toujours, je suis un peu perdu dans ma vie quotidienne. Je n'ai pas de repères, moi non plus!»

Aussi s'est-il laissé guider complètement par Mathieu Roy, à qui il a accordé une confiance indéfectible.

«Pour ce rôle, je me suis beaucoup collé à Mathieu, dit Marcel Sabourin. Il a été mon commandant, mon garde-fou. Mon bateau pouvait errer, voguer sur toutes sortes de mers, je n'avais pas peur des hauts-fonds, car j'avais un bon capitaine pour me diriger. Puisqu'il a lui-même vécu la situation de l'intérieur, je savais que toutes ses indications seraient pertinentes. Et justes.»

> L'autre maison prend l'affiche le 18 octobre.