Adèle Exarchopoulos sera marquée à vie, qu'elle le veuille ou non, par le rôle principal de La vie d'Adèle. Et pas seulement parce qu'il lui a valu, en tant qu'interprète, une Palme d'or (obtenue conjointement avec Léa Seydoux et Abdellatif Kechiche), une première dans l'histoire du Festival de Cannes.

La jeune femme de 19 ans est pratiquement de toutes les scènes de ce film magistral, la plupart du temps en gros plan, et elle perce littéralement l'écran avec un jeu d'un naturel désarmant.

«C'est une intensité que je ne retrouverai pas ailleurs, dit-elle de son expérience de tournage. Abdel nous faisait confiance parce qu'il savait qu'on allait tout lui donner. On lui faisait confiance parce qu'on savait qu'il n'allait jamais nous laisser tomber. Parfois, on n'en pouvait plus de faire autant de prises. Même si on arrivait à un certain abandon, à force.»

Contrairement à Léa Seydoux, qui joue son amoureuse dans le film et avec qui elle a noué une réelle amitié, Adèle Exarchopoulos accepterait volontiers de tourner à nouveau avec Kechiche, qui l'a ni plus ni moins fait naître au cinéma. Même s'il a tourné assez de scènes pour faire six films, dit-elle.

«Abdel est un réalisateur dur parce qu'il est perfectionniste, mais il est passionné, et il veut que tu sois passionnée comme lui. Du coup, il laisse une liberté qui est inconditionnelle. Je pense qu'inconsciemment, il savait très bien où il voulait nous mener. Il avait une manière de nous manipuler pour arriver à ses fins. Je ne le dis pas de manière péjorative; on se manipule tous les uns les autres dans des intérêts communs. Tu séduis ton mec, c'est une forme de manipulation.»

La jeune actrice restera marquée non seulement par ce rôle, mais aussi par la tourmente médiatique qui a accompagné la sortie de ce film «génial». «Quand tu fais 60 entrevues en une journée et que tu n'en reviens qu'à parler de la façon dont tu te sentais pendant une scène de cul, tu n'en peux plus. Quand je meurs dans un film, je ne meurs pas dans la vie!», dit-elle avec un franc-parler singulier.

Elle est restée abasourdie par certaines questions de journalistes, pendant les deux semaines de promotion qui l'ont menée de Telluride à Toronto. «On m'a demandé ce que ça me faisait de penser qu'il y a des hommes qui vont aller voir le film parce que ça les excite. Il y a des sites! T'es pas obligé de te taper trois heures de cinéma d'auteur si tu veux seulement te rincer l'oeil...»

Plusieurs lui ont aussi demandé si son père avait vu le film. «Bien sûr que je l'ai invité à la première à Cannes. C'était une histoire d'amour entre deux meufs. Il n'y a pas de scandale. Il comprend que c'est du cinéma!», dit Adèle Exarchopoulos, qui doit interpréter le rôle principal du prochain film de Sara Forestier, elle-même révélée par Abdellatif Kechiche à l'adolescence, dans L'esquive.