À 28 ans, Léa Seydoux est la nouvelle coqueluche du cinéma français. Une actrice caméléon que l'on a vue récemment dans les films de Benoît Jacquot (Les adieux à la reine), Ursula Meier (L'enfant d'en haut) et Woody Allen (Midnight in Paris). Et que l'on verra bientôt dans Grand Central de Rebecca Zlotowski, qui a fait grand bruit au dernier Festival de Cannes, et le prochain Wes Anderson, The Grand Budapest Hotel.

Timide et peu loquace, échaudée sans doute par ses récentes expériences médiatiques, elle parle tout bas, craignant d'être entendue par une attachée de presse. Je lui fais remarquer que 2013 risque d'être une année importante dans sa carrière.

«J'ai l'impression que petit à petit, l'oiseau fait son nid, dit-elle sans grande conviction. C'est vrai que pour le film de Kechiche, le tournage a été très lourd, dans le sens qu'il a duré longtemps. Ç'a été un investissement d'un an où j'ai dû être avec Abdel. Ce n'était pas un tournage classique. Je me suis coupé les cheveux, je les ai teints en bleu, j'ai fait des choses que je n'avais jamais faites sur un tournage. Alors d'un côté, tant mieux si on parle beaucoup du film.»

Est-ce que cette Palme d'or, qui lui a aussi été remise à titre personnel, change quelque chose dans son parcours d'actrice «C'est très agréable d'avoir un prix comme ça. Ça apaise un peu, dit-elle en souriant. Tout à coup, on est pris un peu plus au sérieux. Je vois dans le regard un peu d'admiration, ça glorifie un peu.»

Je lui parle - c'est un euphémisme - des «difficultés médiatiques». Elle marche sur des oeufs. Elle semble regretter la tempête qu'elle a déclenchée. Et prend sa part de responsabilité. Elle voulait tourner avec Kechiche. Elle connaissait sa réputation difficile. Elle savait dans quelle aventure elle s'embarquait. Jusqu'à un certain point...

Je soumets l'hypothèse que c'est à dessein que Kechiche a poussé ses actrices dans leurs derniers retranchements, pour qu'elles se solidarisent contre lui, et que cette complicité extrême soit affichée à l'écran. Elle n'est pas convaincue autant qu'Adèle par ma thèse.

En revanche, elle s'estime peut-être trop pudique et réservée pour ce qu'exigeait Kechiche. «Je me rends compte aujourd'hui que j'ai une nature d'actrice qui résiste, dit-elle. J'ai besoin de comprendre pourquoi on fait certains gestes, de mettre un sens aux choses.»

On la devine déçue d'avoir constaté que certaines scènes, exigeantes, ont été coupées au montage. «Quand j'ai vu le film, c'est vrai que j'ai été étonnée. Parce qu'on avait tourné des scènes hyper fortes qui n'étaient pas dans le film. Où on était nues, vulnérables. Il a simplifié l'histoire, qui était beaucoup plus dense. Mais je trouve ça très beau.»

Léa Seydoux insiste: elle aime les films de Kechiche, même si, manifestement, elle ne tournera plus avec lui. «J'aime beaucoup le cinéma d'Abdel, dit-elle. C'est puissant, ça submerge. Mais c'est vrai qu'il y a un truc. Quand les gens rient, ils rient fort, quand ils pleurent, ils ont de la morve, quand ils pètent, c'est pour vrai. Il y a quelque chose de très vivant, de très organique. Et je me rends compte que quand je joue, j'aime bien que tout ne soit pas offert. Peut-être parce que je suis comme ça dans la vie et que, dans la vie, on ne se dit pas tout.»