«Un bazar.» C'est le premier mot qu'utilise Audrey Tautou pour décrire le plateau de tournage de L'écume des jours, l'adaptation du roman-culte de Boris Vian qui prend l'affiche la semaine prochaine au Québec.

Le réalisateur Michel Gondry, connu pour son imaginaire déjanté (Eternal Sunshine of the Spotless Mind en a fait la preuve en 2004), a poussé l'audace visuelle encore plus loin avec son plus récent projet. Il a voulu transposer l'univers surréaliste de Vian sans recourir à l'imagerie numérique de quelconque façon. Tous les effets spéciaux du film - et chaque scène en foisonne - ont été réalisés de façon mécanique, à l'ancienne.

«Michel, c'est quelqu'un qui a une idée toutes les 10 secondes, souligne Audrey Tautou, rencontrée au printemps dans un hôtel parisien. C'était très difficile d'avoir un sens quant à l'organisation d'une journée. Il a fallu que je change ma façon de faire et que je me laisse complètement aller, que je n'essaie pas de contrôler.»

L'histoire de L'écume des jours, reprise assez fidèlement par le réalisateur, est celle d'un amour passionné et tragique. Colin (Romain Duris), jeune dandy aux coffres bien garnis, rencontre Chloé (Audrey Tautou), qui lui apparaît comme l'incarnation d'un blues de Duke Ellington. L'univers idyllique des deux protagonistes s'obscurcit au fur et à mesure qu'une étrange maladie - un nénuphar dans un poumon - mine la santé de Chloé.

L'adaptation de Michel Gondry fait la part belle aux personnages secondaires du livre, soit Chick (Gad Elmaleh), le meilleur ami de Colin, Nicolas (Omar Sy), Alise (Aïssa Maïga) et Isis (la Québécoise Charlotte Le Bon). Le réalisateur recrée plusieurs scènes mythiques du roman, comme celle où Colin et Chick fabriquent des cocktails inspirés par leurs émotions en jouant des morceaux sur le fameux «pianocktail».

Audrey Tautou admet qu'elle ne savait pas trop à quel résultat s'attendre quand elle s'est embarquée dans le projet. «Je pense qu'il y a plusieurs interprétations du livre - et qu'il y en aura autant du film, en fait. Je n'avais pas d'idée préconçue. Quand j'ai lu le scénario, il y avait des descriptions de situations qui laissaient penser que c'était impossible à mettre en images.»

L'actrice n'avait vu le film qu'une seule fois au moment de la rencontre de presse, et elle dit l'avoir trouvé visuellement «riche» et impressionnant. «Je pense qu'il faut vraiment que je le revoie une seconde fois.»

Accueil négatif en France

La sortie de L'écume des jours a été précédée d'un assez gros buzz en France. Or, malgré son budget imposant - 20 millions d'euros - et sa brochette de vedettes, le film a été reçu de façon assez négative par la critique française à sa sortie en avril. «L'écume des jours prend l'eau», «Adaptation ratée», «L'enclume des jours»: les titres des principales publications n'ont pas épargné Gondry.

Plusieurs critiques ont déploré le choix des acteurs - en particulier Duris et Tautou -, jugés surexposés et surtout trop vieux par rapport aux personnages de l'oeuvre de Vian. Elles ont aussi jugé que la surabondance d'effets spéciaux mécaniques laissait finalement bien peu de place aux personnages.

«Ici, ils sont réduits à des figurines, écrasés par la débauche d'effets spéciaux et de friandises visuelles qui saturent chaque centimètre carré de l'écran et chaque minute du film», souligne la critique des Inrocks, l'une des plus acerbes.

Il reste que le projet de Gondry a au moins séduit ses acteurs principaux, qui ont accepté des baisses de salaire pourpermettre sa réalisation. Selon Le Figaro, Gad Elmaleh s'est ainsi contenté d'un cachet de 500 000 euros, le tiers de ce qu'il empoche habituellement pour une grosse production.

L'écume des jours prend l'affiche le 28 juin.