Yvan Attal a été séduit à l'idée de réaliser le remake français d'un film américain, sans toutefois vouloir tout transformer d'un film qui comporte «beaucoup de choses». Avec François Cluzet, il partage l'affiche de cette comédie un peu «bizarre».

Depuis maintenant quelques décennies, le cinéma français a beaucoup alimenté l'industrie du remake aux États-Unis. Rarement a-t-on pourtant vu un film américain aller se refaire une beauté dans l'Hexagone. C'est pourtant le cas de Do Not Disturb. Malgré ce que pourrait laisser croire son titre, le troisième long métrage que signe Yvan Attal à titre de réalisateur est en effet le remake français de Humpday, un film de Lynn Shelton.

Dans cette comédie un peu provocante, dans laquelle Attal donne la réplique à François Cluzet, deux amis se retrouvent après des années d'absence. Jeff débarque sans prévenir chez son pote après avoir mené une vie de «bohème» sans donner de nouvelles; Ben s'est bien rangé dans une petite vie un peu pépère, dénuée de toute surprise ou presque. Apprenant l'existence, au cours d'une soirée bien arrosée, d'un festival de films pornos «d'art et d'essai», ces deux hétérosexuels convaincus et affirmés décident, au nom de l'art, de soumettre à ce festival un film dans lequel ils seraient les protagonistes. L'originalité de leur approche? Un rapport sexuel homo, interprété sans artifice par deux hétéros.

«En réalité, l'acteur en moi a davantage eu l'envie de ce film que le metteur en scène, expliquait Yvan Attal au cours d'une interview accordée à La Presse. Je trouvais qu'il y avait là des partitions originales à jouer. À mes yeux, c'est apparu comme une pièce de théâtre. J'ai tout de suite fait appel à François Cluzet, avec qui j'avais envie de travailler depuis longtemps.»

Un projet inhabituel

Après Ma femme est une actrice et Ils se marièrent et eurent beaucoup d'enfants, deux films qu'il a écrits et portés de bout en bout, Attal se retrouve ici dans la position d'un réalisateur qu'on embauche pour mener à bien un projet.

«C'est très inhabituel en France, reconnaît-il. J'avoue que ça m'a plu. Je trouvais l'exercice intéressant, surtout dans un pays où il faut obligatoirement écrire soi-même si on veut se lancer dans la réalisation. Là, on m'a proposé un projet déjà bien défini. J'ai fait un travail d'adaptation évidemment, mais l'idée étant de faire un remake, je n'ai pas voulu en faire autre chose. Si on veut tout chambouler, tout transformer, aussi bien ne pas faire de remake dans ce cas-là!»

Quand il fut approché par les producteurs du film, l'acteur-cinéaste a toutefois tenu à connaître les raisons pour lesquelles on voulait faire appel à ses services en tant que réalisateur pour ce projet.

«Ils ont aimé la tonalité de mes deux comédies précédentes. Ils estimaient que mon approche collerait bien au sujet. Lynn Shelton a dit la même chose quand elle a vu mes autres films. Cela dit, je les ai prévenus dès le départ qu'à l'arrivée, ce film resterait un peu bizarre.»

Appelé à préciser sa pensée, Yvan Attal affirme comprendre parfaitement les raisons pour lesquelles son film fut accueilli plutôt tièdement lors de sa sortie en France.

«Le sujet du film est compliqué, dit-il. J'ai moi-même un rapport compliqué avec ce film. Pas tant à cause du sujet, mais plutôt parce qu'on se demande de quoi parle cette histoire vraiment. Il y a beaucoup de choses. Et ça, ce n'est pas bien. Mieux vaut choisir un angle. Là, il y a plusieurs tonalités différentes. L'ADN du film n'est pas clair aux yeux du spectateur. Ça donne un objet un peu bizarre.»

Des visions différentes

À la lumière d'interviews menées séparément avec les deux vedettes du film, il appert que les acteurs eux-mêmes n'avaient pas la même vision de cette histoire. Alors que François Cluzet voit son personnage comme un opportuniste, Attal évoque de son côté une amitié sincère entre les deux hommes.

«À mes yeux, ce sont deux vrais amis que la vie a séparés, pour toutes sortes de raisons, et qui se retrouvent des années plus tard. Cette histoire de projet de film porno gai peut être crédible, car il n'y a absolument aucune ambiguïté sexuelle entre eux. Ce sont deux hétérosexuels affirmés, mais ils ne revendiquent pas du tout leur hétérosexualité. À vrai dire, ce sont des artistes frustrés. Au contact de son ami Jeff, qui a bourlingué pendant des années, Ben se rend compte que sa vie est plutôt limitée. Il retrouve auprès de lui comme une envie de respirer, de vivre autre chose. Il a la trouille en fait.»

Yvan Attal fait aussi remarquer que sept ans se sont écoulés entre Ils se marièrent et eurent beaucoup d'enfants et Do Not Disturb.

«J'ai travaillé sur un autre projet - très ambitieux - pendant longtemps, explique-t-il. Qui n'a malheureusement pas abouti. Il s'agissait d'une adaptation de la nouvelle de Marcel Aymé Les Sabines. Avec ses relents surréalistes et poétiques, je crois que le film était difficile à classer. Je me suis promis de ne plus jamais me retrouver dans une position comme celle-là. Le deuil est trop difficile à faire. Quand vous vous rendez compte que votre désir n'est pas partagé par les autres, cela remet beaucoup de choses en question.»

Pour éviter ce genre de deuil, Yvan Attal a mis au point un dispositif lui permettant désormais de développer quelques projets simultanément.

«Et puis, je trouve aussi intéressante l'idée de se faire embaucher à titre de réalisateur. J'accepterais de nouveau sans problème.»

Do Not Disturb prend l'affiche le 14 juin. Les frais de voyage ont été payés par Unifrance.